Chapitre 1 – Installation en cours

Created on par Axel Terizaki

— Cherchez par-là ! Elle ne doit pas être loin !

Tapie dans l’ombre, une jeune fille aux cheveux mi-longs retint sa respiration. Difficile pour quiconque de distinguer les vêtements qu’elle portait, ni même les traits de son visage à cause du manque de lumière ambiante.

Des soldats en armure légère couraient tout près d’elle.

Ils ne se doutaient pas que derrière cette cloison qu’ils venaient de dépasser, dans cette pièce où tout était en désordre, où du matériel avait été renversé sur le sol, se cachait l’objet de leurs recherches.

Lorsqu’elle put enfin bouger sans se faire repérer, la fugitive jeta un dernier coup d’œil furtif dans la pénombre avant de se remettre en route. En privilégiant les zones les plus obscures, elle tenta de se faufiler plus loin dans le dédale de couloirs puis emprunta une cage d’escalier l’emmenant deux étages plus bas. Elle agrippa fermement d’une main une arme faisant penser à un pistolet, mais dont la forme était bien plus imposante qu’une arme de poing traditionnelle.

— Bon, maintenant, je dois trouver l’autre machine…

Elle retira son gant et pose sa main d’adolescente sur un panneau près d’une porte métallique. Ses doigts étaient fins, et ne firent qu’effleurer la surface du panneau. Elle ferma les yeux doucement, en restant immobile.

— Quel est le code…

Quelques secondes s’écoulèrent avant qu’elle ne rouvre les yeux.

— Ah !

Le panneau s’illumina de vert et la porte métallique associée s’ouvrit en coulissant pour la laisser passer.

— Trop facile !

La jeune fille s’engouffra alors à l’intérieur.

— Nous y voilà…

* * *

L’agglomération de Tokyo, un soir de printemps comme une autre. Dans le quartier de Den-en-chofu, un jeune couple avait l’air bien occupé, des cartons plein les bras. Ils entassaient ceux-ci près de l’entrée d’une maison. Après moult efforts, la camionnette garée devant l’entrée du garage était enfin déchargée.

— Encore combien de voyages ?

— Au moins deux, je dirais, répliqua la jeune femme qui l’accompagnait.

— Quoi ? Il reste tant de cartons que ça ?

— À qui la faute ? dit-elle en lui souriant, ce n’est pas moi qui aie insisté pour ramener mon matériel de musique dès le premier jour.

Elle sembla fière de sa remarque. Le jeune homme, lui, tentait d’être rationnel. Elle continua :

— Il va falloir vider tout ton appartement de toute façon avant de refaire un voyage demain pour le mien.

— Désolé d’avoir laissé du matériel chez toi, mais de nous deux, tu avais le plus grand appartement.

Elle ronchonna à cette réponse, et fit mine de bouder. Il voulut répliquer, mais elle l’interrompit en s’accroupissant afin d’attraper un des cartons.

— Allez, du nerf, Jin !

Jin était un jeune homme de presque trente ans, d’environ un mètre soixante-dix, avec les cheveux un peu ébouriffés et des lunettes à la monture fine. Sa carrure était tout ce qu’il y avait de plus moyenne. Ni trop musclé, ni trop chétif. Il portait une simple chemise blanche à manches courtes, et un pantalon noir.

La jeune femme marcha vers l’entrée de la maison.

— Oui, chef.

— Ne m’appelle pas chef. Ta petite amie a un nom et c’est Haruka !

Haruka, elle, était une jeune femme presqu’aussi grande que Jin, aux longs cheveux bruns descendant jusqu’à sa taille. Deux fines tresses ornées d’un léger ruban descendaient jusqu’à ses épaules de chaque côté de son visage. Celui-ci était doux et son sourire plein de tendresse chaque fois qu’elle posait les yeux sur Jin. Dans sa vingtaine, elle possédait également un physique avantageux, selon Jin en tout cas, qui n’était du coup pas des plus objectifs sur le sujet. Elle portait un haut noir sans manches accentuant ses courbes, et un jean.

Elle passa devant et entra dans la maison. La leur, à en croire la plaque posée à droite du portail, juste au-dessus de la sonnette, où il était écrit “Jin Ichinose, Haruka Ayase”. Il ne restait bientôt plus qu’un carton à amener depuis l’allée où était stationnée la camionnette jusqu’à l’intérieur.

Celui-ci était l’un des plus lourds que les deux jeunes avaient à porter. Après être ressortis, Haruka et Jin marchèrent jusqu’au carton et furent obligés de le porter ensemble, son poids étant trop élevé pour une seule personne.

— Ce truc pèse une tonne, se plaignit Haruka.

— Ha ha, désolé, mon synthétiseur n’est pas comme ces modèles récents tout légers ! Je te rappelle néanmoins qu’on a dû porter tous tes livres tout à l’heure.

— Fais attention à ce que tu dis, Jin, où je lâche de mon côté.

— Hé !

Ils échangèrent quelques rires.

C’est non sans mal qu’ils réussirent à tout amener dans la maison. Il fallait ensuite tout déballer : vaisselle, électroménager, meubles, et une collection impressionnante de livres appartenant à Haruka.

Il y en avait de toutes sortes, à la fois des romans, mais aussi des ouvrages plus sérieux traitant de divers sujets scientifiques.

Le couple s’activa à ranger et monter leur mobilier.

— Je ne savais pas que ton grand-père avait une telle maison, surtout à Den-en-chofu, commenta Haruka.

Celle-ci tentait de monter l’une de ces tables suédoises dont l’assemblage était pourtant décrit comme facile. À la regarder, il était néanmoins clair qu’elle pensait tout le contraire. Jin, quant à lui, s’occupait de ranger la vaisselle dans le placard déjà monté.

Den-en-chofu était un quartier très prisé des cadres et des familles fortunées, où l’on trouvait des maisons bien plus grandes que la moyenne au Japon. Le fait que Jin et Haruka puissent habiter dans l’une d’elles relevait donc du miracle inespéré.

— Moi non plus. C’est un peu dommage qu’il ait dû partir pour qu’on la récupère.

— Qu’il profite de sa retraite. Moi aussi j’aimerais partir en voyage autour du monde comme lui, soupira-t-elle.

— Tu ne trouves pas qu’on est bien, là, tous les deux ?

Elle gloussa en réponse.

— Si.

Jin termina de ranger assiettes et verres, puis jeta un œil à sa petite amie en train de se battre avec la table.

— Besoin d’un coup de main ?

— Non, ça ira. J’ai fait des études en physique appliquée, je dois quand même être capable de monter une fichue table !

Cela sembla faire sourire Jin.

— Oh pardon, c’est vrai qu’un simple employé de bureau comme moi ne pourrait pas t’aider.

Elle fronça les sourcils à cette remarque.

— Allez, t’as gagné, aide-moi à déchiffrer ça.

Et elle lui jeta gentiment le guide d’instructions de montage. Jin l’attrapa au vol, et le couple se mit alors au travail.

Malgré leurs différences, Haruka et Jin s’entendaient visiblement bien. Ensemble, ils arrivaient à franchir de nombreux obstacles. Cette table, par exemple, n’était que l’un d’entre eux.

— Ça me rappelle la fois où on s’est rencontrés.

Haruka lui fit un léger sourire.

— Tout te rappelle ce soir-là.

Elle savait qu’il allait encore lui raconter le moment où ils s’étaient rencontrés pour la première fois. Il adorait en parler, comme si c’était le meilleur souvenir de sa vie.

Haruka était, d’après lui, la meilleure chose qui ait pu lui arriver.

— Il était tard, tu te battais contre le distributeur de boissons pour avoir ton café. Je suis arrivé, je l’ai éteint puis rallumé, et ça a marché.

— Parfois j’oublie que ce genre de machines est régi par la logique, rien de plus.

— Je trouve ça mignon.

Elle emboîta le dernier pied de la table et finit par le fixer. Avec l’aide de Jin, ils la firent pivoter à l’endroit pour la poser au centre de la cuisine.

— Ah oui ?

— Après tout, tu es une scientifique. Te voir parler aux machines, oublier qu’elles sont faites de silicium, de câbles et de transistors, leur donner une vie… C’est mignon. C’est tout l’inverse des bases de ton métier.

Elle se mit à lui sourire chaleureusement, en s’asseyant sur la table.

— Je suis une rêveuse. Une simple rêveuse.

Jin se mit à rire doucement. Elle continua :

— C’est vrai ! Je suis comme ça depuis que je suis toute petite. J’aime bien traiter les objets comme s’ils avaient une âme. Ça m’arrivait de faire parler mes peluches quand j’étais petite. Tu trouves ça bizarre ?

Il lui retourna ce sourire, et s’assit à ses côtés sur la table. Il fit attention à ne pas s’asseoir trop brusquement au cas où la table aurait cédé sous leur poids combiné.

— Non je ne trouve pas ça bizarre, j’ai dit mignon, pas bizarre.

— C’est juste que… j’ai tendance à penser que tout vit autour de nous, que la vie ça ne s’arrête pas aux cellules et à un cœur qui bat, tu comprends ?

— Un peu. C’est ce qui fait ton charme.

Elle lui donna un petit coup de coude avant de lui faire un sourire en coin.

— Dis, Haruka…

— Oui ?

Jin approcha sa tête de celle de sa compagne.

— Tu sais ce qui ferait bien sur ton visage ?

— Non ?

— Le mien.

Il s’approcha plus encore pour l’embrasser, mais c’était sans compter sur la sonnette de la maison qui retentit. Jin et Haruka soupirèrent en même temps et échangèrent un court sourire gêné avant d’aller ouvrir, à contrecœur.

Devant eux se tenait une jeune fille en uniforme scolaire. Jupe plissée rouge avec deux bandes plus claires au niveau de l’ourlet, chemisier blanc, cravate et blazer bien taillés respiraient bon le lycée privé.

— Akari.

La jeune fille pencha la tête sur le côté.

— Bonjour ! Je vous dérange ?

De toute évidence, c’était le cas, mais les deux jeunes adultes n’allaient pas le lui dire comme cela, bien sûr. Si Jin se débrouillait bien pour jouer la comédie, Haruka, elle, était très mauvaise à ce petit jeu et eut un sourire nerveux, incapable de cacher sa frustration.

— Non, frangine.

Haruka invita néanmoins Akari, à entrer.

Cette dernière portait des lunettes rondes et avait arrangé ses cheveux en queue de cheval avec deux mèches retombant sur les côtés de son visage. Elle avait tout l’air d’une binoclarde, mais n’était pas aussi timide et renfermée que son apparence le suggérait, bien au contraire.

Jin avait déjà rencontré Akari auparavant, chez Haruka quand elles se partageaient un appartement. La première chose qu’il s’était dit en la voyant, c’était que leur lien sororal était indéniable : Haruka et Akari arrivaient à communiquer et se comprendre parfois sans se parler. En outre, Akari partageait la même passion que sa sœur pour les sciences.

Jin se fit facilement accepter par la jeune fille, encore au collège à l’époque.

— Alors c’est votre nouveau chez vous ? C’est super grand !

— Ça, c’est parce qu’on n’a pas encore fini de tout monter.

Haruka intervint alors :

— On te fait visiter, Akari ?

— Oui !

La maison faisait cependant un peu vide pour le moment, même si Akari avait raison : pour une maison à Tokyo, c’était un véritable palace. En plus de la cuisine, du salon, et d’un garage, l’escalier menant à l’étage laissait découvrir trois chambres et une salle de bains. Rares étaient les maisons dans la capitale qui pouvaient offrir un tel nombre de pièces. C’était bien évidemment trop grand pour le couple, sauf si leurs plans incluaient la fondation d’une famille.

— … Et on a donc prévu d’utiliser l’une des chambres comme bureau ou pour jouer de la musique, au moins.

Haruka se tourna vers sa sœur.

— Akari, tu veux dîner avec nous ?

— Dîner ? Vous avez déjà de quoi cuisiner ?

Jin haussa les épaules.

— Pas vraiment, mais on peut se faire livrer des pizzas si tu veux, ou te payer quelque chose à la supérette.

— Excellente idée ! Je suis toujours OK pour un repas gratuit !

La première solution fut retenue, et leur dîner arriva plutôt rapidement : Jin avait en effet commandé chez une pizzeria située dans le quartier. Elle avait tapé dans l’œil de Haruka, car la devanture était décorée de dessins de chats livrant des pizzas, ce qui l’avait beaucoup fait rire. Bien entendu, ce ne fut pas un chat qui leur apporta la leur, mais bien un être humain.

— Bon appétit !

Assis autour de leur festin encore dans sa boîte en carton ouverte, les trois jeunes gens commencèrent chacun à attaquer leur part. Après quelques bouchées, la plus jeune participante se mit de nouveau à parler.

— Et donc Haruka, sur quoi tu travailles en ce moment ?

— Pour le moment on fait des essais avec l’accélérateur de particules auquel on a accès.

— Dit comme ça, ça n’a pas l’air très passionnant.

Jin secoua la tête et avala son bout de pizza.

— Bien sûr que non. Mais grâce au partenariat public que notre entreprise, NS, a obtenu, on devrait être en mesure de faire de nombreuses recherches en physique avancée, comme par exemple sur les trous de ver.

Après avoir marqué une courte pause, il continua :

— Moi, je m’occupe des commandes de matériel auprès des fournisseurs. Ce n’est pas particulièrement gratifiant, mais au moins, je travaille sur le même site que Haruka.

— Il y a de nombreux laboratoires privés dirigés par ce grand groupe. Certains ont même des partenariats avec le public comme le nôtre, quand on a besoin d’accéder à un accélérateur de particules, par exemple. On fait des recherches en physique avancée, mais il y en a d’autres laboratoires dans le monde qui font de la robotique, de la bio-ingénierie, du nucléaire, bref, tous les domaines de recherche en haute technologie que tu peux imaginer.

— Ce qui est dommage c’est que du coup le vôtre a peu de chances de déclencher accidentellement une invasion de zombis, commenta Akari.

— Tu as vraiment des idées bizarres, répondit Jin.

— On laisse ça aux États-Unis, ajouta sa compagne.

Cela fit ricaner Akari comme si elle était devenue un savant fou tout droit sorti d’un film de série Z. Ces deux-là avaient un humour particulier qui échappait parfois à Jin.

— Et sinon Akari, comment se passe le lycée ? Tu t’y plais ? demanda Haruka.

Akari finit d’avaler avant de répondre.

— Oui, ça va ! Même si les cours sont d’un ennui mortel, j’ai hâte d’être à l’université pour prouver ma vraie valeur.

— Tu t’ennuyais déjà au collège, je ne sais pas si ça va changer à l’université, tu sais, fit Jin.

Haruka voulut le réprimander.

— Ne la décourage pas !

— Ha ha, on verra bien ! Mais ce qu’on fait en informatique, c’est de la rigolade. Comment tu veux préparer notre génération à la bonne utilisation d’un ordinateur si tout ce qu’ils savent faire c’est surfer sur les réseaux sociaux avec leurs smartphones ? Moi je veux créer des algorithmes, des programmes et des services qui seront utilisés dans le monde entier ! Quelque chose qui marquera les esprits !

— Te connaissant je sais que rien ne t’arrêtera, remarqua Jin en finissant le verre d’eau qu’il avait en main.

— Tu pourras te lâcher d’ici trois ans, après le lycée. En attendant, expérimente dans ton coin, ça ne pourra que t’être bénéfique, conseilla Haruka.

Celle-ci avait toujours de bons conseils pour sa petite sœur, étant passé par là elle-même des années plus tôt.

— Oui, vous allez voir ! Un jour, je serai la meilleure codeuse, je développerai sans répit !

Cela fit sourire les deux adultes. Il était difficile de se méprendre sur les liens de sang qui unissaient les deux sœurs Ayase. Chacune brillait dans son domaine respectif. Si Haruka aimait la physique, Akari était plus portée sur l’informatique.

— Vous faites la paire toutes les deux.

Jin était admiratif devant un tel lien. Étant fils unique, il n’avait jamais eu la possibilité de partager quelque chose avec un frère ou une sœur. Cela ne l’avait pas réellement marqué jusqu’à ce qu’il rencontre Haruka et Akari.

— C’est normal, avec ce qui est arrivé, ça nous a rapprochées, fit Akari d’un air fier.

Elle arrivait à garder le sourire, tandis que sa grande sœur, elle, ne pouvait s’empêcher de laisser paraître une pointe d’amertume sur son visage.

— C’est vrai.

Jin hocha la tête également.

— Je ne sais pas ce que cela fait de perdre ses parents, mais je serai toujours là pour vous les filles, dit-il d’un ton rassurant.

— Ne t’en fais pas, Jin. On est grandes maintenant, et qui sait, si Haruka n’avait pas pris la place de maman pour moi, j’aurais peut-être emprunté une autre voie que les sciences !

Haruka lui sourit chaleureusement.

— Dis, Akari, ça ne te dirait pas de venir habiter avec nous ? On a une pièce inutilisée, proposa Haruka. Ça serait mieux que ta pension, non ?

Akari finit sa bouchée avant de répondre à sa sœur.

— C’est gentil, mais je me suis déjà fait des amies là-bas.

— Ah oui. Satsuki, c’est ça ? demanda Haruka.

— Oui, c’est ça. Elle est adorable comme tout. On a tout de suite sympathisé vu qu’on partage une chambre. Et puis, je préfère rester là-bas pour une autre raison…

Elle marqua une pause, et regarda ailleurs, avant de poser de nouveau son regard sur Haruka et Jin avec un petit sourire malicieux.

— À votre âge, vous avez besoin d’un peu d’intimité, non ?

Jin plaça sa main contre son visage en signe de consternation, tandis que Haruka se racla la gorge.

— Le principal, c’est que tu te plaises là où tu vis, frangine.

— Oui, on m’avait prévenue que les gens étaient un peu bizarres là-bas, mais je ne trouve pas. Peut-être que je suis un peu bizarre moi aussi.

Jin et Haruka sourirent. L’un comme l’autre étaient rassurés maintenant. Haruka ayant vécu avec sa sœur, et s’en étant occupé comme une mère pendant quelques années, elle eut sans doute plus de mal qu’Akari à se séparer d’elle. Mais c’était pour le mieux s’était-elle dit à ce moment-là, même si elle ne pouvait s’empêcher de temps à autre de regretter cette décision. Jin, pour sa part, avait préféré rester neutre dans l’affaire et n’était pas intervenu. Cela ne le regardait pas, même si aujourd’hui il aurait sûrement un peu plus son mot à dire maintenant qu’il se trouvait plus proche des deux sœurs.

Il se leva pour ranger le carton à pizza maintenant vide en le pliant correctement.

— J’irai le jeter en partant ! proposa Akari.

— Merci.

Haruka n’était cependant pas totalement convaincue par les arguments de sa sœur, mais ne dit rien. Elle savait très bien à quel point la jeune fille pouvait être bornée, c’est-à-dire, au moins autant qu’elle-même.

Le dîner achevé, Jin et Haruka observèrent Akari en train d’enfiler ses chaussures dans l’entrée.

— Tu es sûre que tu ne veux pas que Jin te raccompagne avec la camionnette ?

— Non, ça ira je vous dis ! J’ai juste à prendre la ligne Tokyu Toyoko et je suis à la résidence dans moins d’une heure.

Haruka sembla déçue de la réponse de sa jeune sœur, et lui fit un signe de la main quand celle-ci ouvrit la porte de la maison pour partir.

— Sois prudente sur la route, lança Jin.

— Merci !

Elle referma la porte derrière elle, laissant le jeune couple de nouveau seul.

— J’ai l’impression qu’elle est déjà adulte, fit remarquer Haruka.

Elle continuait de fixer la porte maintenant fermée de la maison. Jin passa son bras autour de sa taille pour la serrer tendrement contre lui.

— Tu parles comme une mère. Elle vient juste d’entrer au lycée, tu sais. Ce n’est pas comme si elle allait se marier demain.

— Je sais, je sais ! C’est vrai que je la couve comme si elle était ma fille, je n’y peux rien.

Haruka avait ce côté maternel irrépressible envers sa sœur, et même parfois envers Jin, ce qui n’était pas pour lui déplaire.

— Et pour moi, tu es quoi ?

Elle tourna la tête vers lui et lui offrit son plus beau sourire. Un sourire qui donnait à Jin l’envie de la protéger.

— Je suis ta petite amie, évidemment !

Il attendit qu’elle eût fini sa phrase pour approcher ses lèvres des siennes, mais ce fut ce moment que son téléphone portable choisit pour jouer les trouble-fête. Au moment où il tourna la tête pour regarder qui essayait de le joindre, Haruka fit de même et soupira.

— M. Kôsaka… Réponds, ça doit être important.

Jin plaça son pouce sur l’écran du téléphone afin de décrocher, et enclencha le mode mains libres. Il tenait toujours Haruka contre lui.

— Jin ? Désolé de te déranger si tard, mais est-ce que tu pourrais me ramener la camionnette ce soir ? Je vais en avoir besoin demain matin à l’aube pour dépanner un ami. Je pourrai vous la ramener vers dix heures pour que vous puissiez finir votre déménagement.

Jin haussa les épaules inconsciemment, comme si son interlocuteur était en face de lui.

— Aucun problème M. Kôsaka, je vous la ramène tout de suite. Je serai là dans une demi-heure.

— Ah merci, Jin ! Tu me sauves ! Passe mes amitiés à la petite Haruka !

Elle gloussa.

— Je vous entends M. Kôsaka, et je ne suis pas petite !

Il se mit à rire à travers le téléphone.

— Ha ha ! Très bien, je t’attends, Jin !

Leur interlocuteur raccrocha, et Jin lâcha Haruka, non sans mal. Il se baissa alors pour enfiler ses chaussures à son tour. La jeune femme le fixa avec ses meilleurs yeux de chien battu.

— Oh non, pas ce regard-là, lâcha-t-il en l’observant par-dessus son épaule.

— Si, ce regard-là, dit-elle de son plus beau regard culpabilisant.

Elle ne souhaitait pas le voir partir maintenant, alors qu’ils auraient pu passer une soirée tranquille ensemble.

— Tu veux que j’y aille à ta place ? Ou ensemble ? proposa-t-elle

— Non, repose-toi, tu as porté plus de choses que moi aujourd’hui.

— Pas vraiment…

— Allez, je fais ça rapidement. Tu peux aller dormir si tu veux, je te rejoins après.

— Il n’est pas si tard, et puis j’attendrai ton retour en lisant le premier livre que je trouverai en ouvrant un carton au hasard.

Il lui sourit, et se releva après avoir attrapé sa veste, les clés de la maison et celles de la camionnette.

— J’espère ne pas trouver la moitié des cartons restants ouverts à mon retour, fit-il pour plaisanter.

Cela la fit rire doucement.

— Sois prudent sur la route.

— Ne t’inquiète pas.

Il ferma la porte une fois dehors, et déverrouilla la camionnette. Cela ne l’enchantait guère de faire l’aller-retour, mais Jin était très reconnaissant pour le prêt du véhicule, et n’allait pas tourner le dos à M. Kôsaka ainsi. Et puis, si ça permettait à Haruka de se reposer un peu… Il savait très bien qu’elle travaillait plus que de raison, et n’était jamais contre se sacrifier pour qu’elle puisse souffler un peu.

À cette heure tardive, conduire dans Tokyo restait une expérience pénible, surtout en empruntant les petites rues des lotissements puisqu’il fallait conduire doucement. Jin n’était pas habitué à manier une camionnette. À vrai dire, entre lui et Haruka, c’était elle qui avait le plus d’expérience au volant. Cette dernière avait effectué nombre de petits boulots de livraison afin de payer ses études et de subvenir aux besoins d’Akari.

Si l’aller allait facilement lui prendre une demi-heure, le retour, lui, serait par contre bien plus long. Le train était le moyen de locomotion le plus efficace dans la capitale. Sauf dans certains cas bien particuliers comme l’absence de trains directs ou d’omnibus passé une certaine heure.

De plus, une fois en gare de Den-en-chofu il lui faudrait marcher jusqu’à la maison après avoir longé la place et sa fontaine.

* * *

Deux heures plus tard…

Une main aux contours féminins frappa à une porte d’entrée. Celle-ci s’ouvrit pour laisser place à une femme âgée, petite, au visage ridé, mais au sourire chaleureux. La jeune fille qui venait de frapper à la porte posa sa question, presque machinalement.

— Haruka Ayase ?

La femme secoua la tête.

— C’est à côté.

Son interlocutrice fit un signe de la tête de son côté et partit sans un mot. Elle n’avait pas trouvé celle qu’elle cherchait.

— Hé bien. Les jeunes sont bien impolis de nos jours.

L’occupante de la maison observa quelques instants la jeune fille quitter son jardin pour aller à la maison suivante.

Elle reprit son rituel, et frappa doucement à la porte de la maison. Haruka ne mit pas longtemps à lui ouvrir, vu qu’elle attendait son petit ami.

— Hé bien Jin, je croyais que tu avais pris tes cl… Tiens ?

En lieu et place de Jin se trouvait en effet une jeune fille aux cheveux roux lui tombant sur les épaules. Ses grands yeux bleus se noyèrent dans ceux de Haruka et la nouvelle locataire de la maison n’arrivait plus à détacher ses yeux des siens. Elle portait une sorte de survêtement usé rouge et bleu, et son visage était couvert de légères égratignures.

— Haruka Ayase ?

— Pardon ?

Elle répéta sa question, en fixant Haruka.

— Haruka Ayase ?

— C’est moi… Mais qui es-tu ?

La jeune fille, pas plus grande que sa petite sœur Akari, soupira.

— Enfin…

— Hein ? « Enfin » ?

Mais avant que Haruka ne puisse comprendre quoi que ce soit, sa visiteuse ferma doucement les yeux, et son corps s’écroula alors sur le pas de la porte.

— Quoi ?

Haruka s’agenouilla près de la jeune fille. Elle était un peu paniquée, mais tenta de garder son calme.

— Hé ! Qu’est-ce qui t’arrive ?

Elle la prit dans ses bras pour constater qu’elle était inconsciente et l’étudia. Il n’y avait personne aux alentours, et Haruka se sentait un peu seule avec une parfaite inconnue inanimée sur le pas de sa porte.

— Je… qu’est-ce que je fais ? Un docteur ? A cette heure-là…

— Haruka !

Alors qu’elle cherchait son portable dans sa poche de pantalon, Haruka releva la tête pour voir Jin accourir vers elle.

— Qu’est-ce qui se passe ? C’est qui ?

— J’en sais rien ! Elle s’est évanouie sous mes yeux ! Aide-moi à la transporter à l’intérieur !

— Tout de suite !

* * *

Haruka et Jin observèrent leur invitée surprise, allongée sur le canapé du salon installé dans l’après-midi.

— Tu crois qu’elle va bien ?

— J’ai senti un pouls. Elle semble juste exténuée. Je ne vois que ça.

Il hocha la tête. Il y eut un silence de quelques secondes, alors que Jin était en train de contempler ce visage d’adolescente.

— On devrait appeler la police. Elle a l’air un peu amochée. Regarde son visage.

— Pas que son visage, son corps tout entier a l’air d’avoir été malmené, mais ça reste superficiel.

Jin avait laissé Haruka l’examiner en privé. Cette dernière avait suivi des stages de secourisme. D’après elle, quand on travaille dans un laboratoire, il est en effet primordial de savoir prodiguer les premiers soins.

Haruka ignora néanmoins royalement l’idée de Jin.

— À part la fatigue, je ne vois que ça. Pas de fièvre, pas de signes de danger imminent pour sa santé.

Jin la fixa intensément.

— Je te jure, elle va bien. S’il y avait un problème, je l’aurais vu en l’auscultant tout à l’heure. Elle a juste besoin de repos.

Il ne semblait pas tout à fait convaincu et jeta un rapide coup d’œil à sa montre, il se faisait déjà tard.

— Admettons. Il est trop tard pour appeler un médecin, et si son état n’est pas si grave, on pourra l’amener à l’hôpital demain matin j’imagine…

— Et la police aussi…

Haruka jeta un dernier regard sur elle avant de continuer.

— Elle n’avait rien avec elle, à part ses vêtements en piteux état.

— Et une montre, mais elle a l’air d’être éteinte.

— Tu la connais, Jin ? Attends, ne me dis pas…

Elle lui lança un regard inquisiteur, mais Jin était bien décidé à désamorcer la situation avant qu’elle ne s’envenime.

— Ha ha, non, aucune chance. Oublie ça tout de suite.

Elle avait envie de le taquiner un peu. C’était facile avec Jin.

— Tu es sûr que ce n’est pas une petite amie cachée hein ?

— Allons, Haruka, tu sais bien qu’il n’y a que toi qui comptes, et puis les lycéennes ce n’est plus vraiment de mon âge.

— Oh ? Même Akari ? Elle a bien grandi, tu sais.

— Oui, j’avais remarqué qu’elle avait pris quelques formes.

Jin se rendit compte un peu tard qu’il venait de tomber dans le piège tendu par sa compagne.

— J’en étais sûre ! Tu ne m’aimes plus !

Elle détourna le regard pour feindre de pleurer. Jin trouvait cela mignon quand elle était jalouse, ou faisait semblant de l’être. Le problème, c’est qu’elle en abusait parfois. C’était comme jouer au poker contre quelqu’un. Il fallait faire la distinction entre le bluff et ce qui ne l’était pas. Cela relevait de la traversée d’un champ de mines et Jin avait souvent du mal à savoir ce qu’elle pensait réellement, ce qui le frustrait dans les moments importants.

— Enfin, c’est quand même étrange de se balader à une heure pareille avec juste un survêtement, tu ne crois pas ? dit-elle, d’un ton plus sérieux.

Ses habits n’avaient rien d’extraordinaire sauf qu’ils ne portait aucun signe particulier. D’habitude, les jeunes de son âge faisaient tout pour se différencier des autres via des vêtements ou des accessoires. À l’école, où l’uniforme était obligatoire, les élèves se cantonnaient à des barrettes à cheveux ou des boucles d’oreille à la mode pour les filles, et de montres pour les garçons.

Haruka haussa les épaules, et se leva. Jin fit de même et prit une décision.

— Je vais monter la garde cette nuit au cas où elle se réveillerait. Quelqu’un doit être là pour la surveiller.

— Tu es sûr ?

Elle lui fit un clin d’œil, avant de s’approcher de son petit ami comme un chat s’avance vers sa proie. Jin fut tout d’abord surpris, mais avait bien une petite idée de ce qu’elle voulait. Après tout ils avaient été dérangés plusieurs fois durant la journée.

— H-Haruka ! J-Je serai plus tranquille si je veille sur elle cette nuit. On ne sait pas pourquoi elle est là et semblait te chercher, et puis elle…

Elle l’interrompit avec un rapide baiser sur les lèvres, avant de reculer et de se lever.

— Tant pis pour toi, dit-elle pour le taquiner.

Jin lui sourit et la regarda sortir de la pièce pour aller se coucher. Il regarda le visage de leur invitée, et alla chercher une couette avant de s’installer dans un des fauteuils qui faisait face au canapé.

* * *

Jin se réveilla au milieu de la nuit avec une envie de s’hydrater un peu. Il se leva en jetant un coup d’oeil à la jeune fille, qui n’avait pas bougé de sa position sur le dos dans le canapé.

Il se rendit à la cuisine pour ouvrir une bouteille d’eau et atteindre un verre dans l’obscurité. Même avec un nouveau logement, la lune dehors éclairait suffisamment les pièces à travers les grandes fenêtres pour qu’il puisse se repérer. Il rinça le verre rapidement et le reposa dans le placard, quand il entendit un bruit dans le salon.

Comme si un objet était tombé par terre…

— Hmmm ?

Méfiant, il se dirigea à pas de loup vers la pièce. Il se demanda ce qui avait pu causer ce bruit, étant donné qu’ils n’avaient pas de chat à la maison, et que la fille semblait toujours profondément endormie une minute auparavant. D’un autre côté, c’était tout naturel de ne pas connaître tous les bruits d’un nouveau logement, mais tout de même… Elle dormait pourtant profondèment une minute auparavant. Jin hésita quelques secondes puis se décida à aller vérifier.

Il passa lentement la tête dans le salon, et ce qu’il y vit le décontenança.

La jeune fille était bien là, assise dans le canapé et non couchée comme tout à l’heure, mais ce n’était pas le plus surprenant. Elle tenait en effet une des extrémités d’un câble USB dont l’autre extrémité était branchée au mur de la maison.

La fermeture éclair de son haut de survêtement était baissée afin de libérer sa nuque où elle allait enficher la prise. Jin était scotché sur place devant ce spectacle irréel. Elle relevait ses cheveux d’une main et inséra le câble dans sa nuque à l’aide de l’autre.

— Qu’est-ce que…

Il venait de découvrir l’incroyable secret de leur invitée. Sa voix surprit la fille et son regard croisa alors celui de Jin. Un regard empli de choc et de terreur, comme si elle venait de faire la pire bêtise de sa vie.

— Non ! Attendez !

Elle tenta de se lever, mais le câble la reliant à la prise murale n’était pas assez long et il se détacha de sa nuque. Alors qu’elle s’avançait vers Jin, il la vit hésiter, puis ses jambes trembler, jusqu’à ne plus pouvoir supporter son propre poids.

— Ah !

La jeune fille s’écroula de nouveau soudainement, les yeux fermés, comme plus tôt devant l’entrée.

Cela prit plusieurs longues secondes à Jin pour se remettre de ce qu’il venait de voir. Il s’approcha doucement du corps étalé par terre, et la prit dans ses bras, l’asseyant doucement dans le canapé.

— C’est pas possible, c’est… quoi ?

Il inspecta sa nuque, où se trouvait bien une prise USB de type C, similaire à ce qu’on trouvait sur les ordinateurs. Ses doigts parcoururent la peau autour pour tester la texture. Elle était douce et chaude, comme une peau humaine, mais ce qu’il voyait n’y ressemblait pas.

— Comment une personne peut avoir ça sous la peau ? C’est insensé… Haruka ne l’a pas vu ?

Il regarda autour de lui et ne vit rien d’anormal. La lumière de la lune éclairait une partie de la pièce seulement. Il vit un livre par terre près de la petite table posée à côté du canapé et en conclut que cela devait être le bruit qu’il avait entendu plus tôt.

Mais il y avait plus important que de se soucier de livres tombés par terre. Ses yeux se posèrent sur la jeune fille inerte et assise dans le canapé.

Hésitant, il attrapa le câble qui s’était débranché, et inséra l’embout dans sa nuque, comme elle venait de le faire quelques instants plus tôt. Cela lui prit quelques essais avant d’y arriver, à cause du manque de luminosité dans la pièce.

Allait-elle l’attaquer ? S’enfuir ? Dans un cas comme dans l’autre, elle allait certainement s’évanouir si elle débranchait la prise de nouveau, se dit-il. D’une certaine façon, elle était sa prisonnière

Il avait trop de questions auxquelles une réponse était nécessaire. Sa curiosité devait être satisfaite.

Jin la vit ouvrir les yeux doucement, et s’agenouilla devant elle. Il attendit quelques secondes qu’elle réagisse.

— Je…

— Bonjour, l’interrompit-il.

— B-bonjour.

Elle était visiblement sur ses gardes. Jin chercha ses mots.

— Je ne vais pas te faire de mal.

Il lui parla à voix basse et tenta de la rassurer. Elle hocha la tête doucement.

— J’ai beaucoup de questions à te poser, et je veux que tu me répondes franchement.

— Je suis toujours chez Haruka Ayase ?

Elle n’était visiblement pas disposée à répondre à Jin. Pas tout de suite, en tout cas. Cela prit le jeune homme de court.

— Euh, oui. Je suis Jin. Jin Ichinose. Je vis avec Haruka.

— Enfin, j’y suis arrivée.

Elle sembla soulagée.

— Tu y es arrivée ? À quoi ?

— Je… Je ne peux pas… Je peux avoir plus de courant ?

Elle avait le don d’éviter ses questions.

— Non, tu es branchée au courant de la maison, il n’y a pas mieux. Tu ne voulais pas faire tomber ce livre, n’est-ce pas ?

— Non, je n’y vois pas grand-chose et je ne connais pas encore cet endroit. Ma vision nocturne est désactivée en mode économie d’énergie avancé. Je voulais juste me recharger quand je vous ai entendu quitter la pièce…

Il ne comprenait pas très bien, mais ce qu’il venait d’entendre lui permit de commencer à assembler quelques pièces du puzzle.

— Qui es-tu ? Non, plutôt, qu’est-ce que tu es ?

La jeune fille le regarda de nouveau, de haut en bas.

— 7-3.

— 7… 3 ?

— C’est mon identifiant.

Il essayait désespérément de comprendre.

— Ton identifiant ? Tu es une machine ?

Ce fut à elle d’hésiter avant de lui répondre. Elle ne pouvait pas lui échapper.

— Je suppose que le câble électrique relié à ma nuque répond à cette question.

— Bien vu.

Il lui sourit, se sentant très bête sur le coup. Elle n’avait pas l’air menaçante, mais Jin ne pouvait s’empêcher d’être inquiet.

— 7-3, hein. Et tu viens d’où ? Pourquoi est-ce que tu cherches Haruka ?

— Je ne peux pas répondre.

Elle ne lui parlait pas machinalement. Pour un robot, elle avait l’air incroyablement humaine, dans ses réactions, sa façon de cligner des yeux, et surtout ses paroles. C’était loin des voix synthétiques qu’on entendait dans les films de science-fiction. Elle avait même un pouls ! Cependant, avec les progrès et les prototypes montrés dans les médias, il devenait presque concevable, pour Jin en tout cas, d’obtenir un résultat aussi net, aussi pur même si une partie de lui ne pouvait s’empêcher de penser que tout cela était irréel.

Voyant la perplexité de ce dernier, elle haussa ses frêles épaules.

— Je ne peux pas vous répondre. Je suis désolée, Monsieur Ichinose.

— Et polie avec ça…

Il avait beau la dévisager, elle avait l’air d’une adolescente tout ce qu’il y avait de plus ordinaire, avec un joli sourire presque innocent et des yeux d’un bleu pur. Il n’y avait que la prise dans sa nuque qui trahissait tout de suite son statut de machine.

Jin reprit ses esprits après l’avoir contemplée.

— Écoute, je ne sais rien de toi, je ne peux pas te faire confiance, dit-il sèchement.

Il approcha alors son visage du sein.

— Tu es une sorte d’androïde, c’est ça ? Tu vas devoir tout m’expliquer si tu veux rester ici. Je veux savoir d’où tu viens et ce que tu veux à Haruka. Tu comprends ce que je dis, n’est-ce pas ?

Elle le fixa en retour, d’un regard déterminé à ne pas lâcher du terrain à son adversaire.

— Je dois rester ici. C’est ce pour quoi je suis venue.

Jin commençait à perdre patience et aussi à paniquer devant cette situation inattendue. Une partie de lui voulait protéger Haruka de l’inconnu. L’autre voulait en savoir davantage sur cette machine devant lui.

— Ah oui ? Alors premièrement, il faudra m’en dire plus, et deuxièmement, Haruka ne doit pas savoir ce que tu es. Si jamais elle voyait cette prise dans ta nuque…

C’est à ce moment que la lumière se fit dans la pièce.

Dans sa précipitation, Jin n’avait même pas pris le temps d’allumer, la pièce était suffisamment éclairée pour lui grâce aux lumières à l’extérieur et à la lune dans le ciel.

Il tourna la tête vers l’entrée du salon, où Haruka se tenait vêtue de son pyjama.

Un long silence s’installa, comme lorsque Jin avait découvert la véritable nature de leur invitée plus tôt. Sauf que là, le visage de Jin était en face de celui de la jeune fille. Un peu trop proche peut-être au goût de sa petite amie.

— Jin, tu peux m’expliquer ?

Elle n’avait pas l’air contente, mais c’était bien le cadet des soucis de Jin. S’il ne voulait pas qu’elle se rende compte de quoi que ce soit, c’était définitivement raté.

— Haruka, attends !

— Haruka… Ayase… ?

7-3 fixa Haruka, se demandant si c’était vraiment elle.

— Assieds-toi, Haruka, fit Jin.

— J’ai cru que tu allais l’embrasser et profiter de cette jeune fille sans défense !

— Je crois qu’il y a bien plus important que ça. Assieds-toi et regarde.

Haruka s’avança, et remarqua enfin la prise logée dans la nuque de leur invitée surprise. Elle tourna son regard vers Jin, pleine de questions. Sa nature curieuse prit le pas sur la colère et la jalousie.

La jeune fille n’était définitivement pas à l’aise. Déjà que son identité avait été partiellement révélée à une personne, en ajouter une seconde dans l’équation n’était visiblement pas au programme.

Haruka s’assit doucement dans le canapé, et regarda le câble de plus près, remontant jusqu’à l’adolescente.

— C’est…

— Elle dit s’appeler 7-3.

— Je vois ça. C’est marqué derrière, sous la prise.

Il n’avait pas vu ça dans l’obscurité, tout à l’heure. En jetant un œil, il vit qu’il y avait une petite partie métallique sous la prise où étaient indiqués les mentions UCP puis, plus bas JA-73

— J.A., demanda Jin

— Japanese Android, proposa Haruka.

— Ou un nom de société ?

Haruka sembla perplexe.

— Ça n’a aucun sens. Tu crois que c’est un robot créé chez nous ?

Elle voulait bien sûr parler de la société où elle et Jin travaillaient.

— La branche robotique est en Europe, c’est impossible. Tu n’avais pas une amie qui…

Haruka l’interrompit.

— Elle m’en aurait parlé s’ils avaient créé quelque chose comme ça.

— D’accord, mais là…

— Et puis, il n’y a aucun logo de société.

La jeune fille, quant à elle, semblait tétanisée. Elle n’osait pas ouvrir la bouche, surtout depuis que Haruka était entrée dans la pièce.

Jin observa sa petite amie inspecter minutieusement 7-3. Celle-ci se laissa faire comme un chat trop apeuré pour se débattre chez le vétérinaire. Ou une fan paralysée devant son idole.

— Je n’ai pas vu cette prise dans sa nuque tout à l’heure quand je l’ai examinée.

— Je m’en doutais, ajouta Jin.

Elle continua son inspection méthodiquement, puis regarda le visage de son cobaye.

— Je suis Haruka. Et toi ?

— 7-3.

Cette dernière évitait soigneusement le regard de la scientifique.

— 7-3, c’est un peu moche comme prénom. Attends voir…

Haruka l’observa tout en réfléchissant. Elle avait souvent le chic pour trouver des noms pour ses animaux en peluche.

— Il va falloir te trouver un nom… May ? Kurumi ?

— Haruka, tu veux vraiment lui donner un nom ?

Jin semblait surpris. Elle se tourna vers lui.

— Ça sera beaucoup plus facile de lui parler ainsi ! Attends, je l’ai sur le bout de la langue… 7-3, 7-3… Ah !

Elle s’adressa alors de nouveau à l’androïde.

— Que dirais-tu de Nanami ?

— Na-na-mi1 ?

— Oui, Nanami ! Ça te va bien mieux et c’est plus facile à retenir.

— Un nom… Nanami…

La jeune fille lui offrit un sourire reconnaissant.

— C’est… Je n’ai jamais été appelée par un nom avant, c’est bizarre. Mais j’aime bien. Nanami !

— Dis, Nanami, tu peux nous expliquer un peu ce que tu viens faire chez nous ? Et cette prise…

Haruka ne termina pas sa question. Nanami baissa alors les yeux.

Jin s’attendit à ce qu’elle lui fasse le même numéro que tout à l’heure, mais le fait de recevoir un nom de la part de Haruka l’avait mise un peu plus en confiance.

— Je ne peux pas tout dire… Je suis une androïde. Mes batteries sont à plat, cela fait plusieurs jours que j’erre à la recherche de cette maison. Je suis passée à vos anciens appartements, mais je n’y ai trouvé personne.

Jin n’en croyait pas ses oreilles, elle se confiait aussi facilement à Haruka ! Alors que lui n’avait rien pu tirer d’elle !

— Pourquoi me cherchais-tu ? Tu as dit mon nom avant de t’écrouler sur le pas de notre porte.

Encore une fois, Nanami hésita à répondre.

— Je dois rester avec vous.

— Ce n’est pas suffisant comme réponse, intervint Jin, en croisant les bras.

Sa patience avait des limites.

— Jin !

Haruka lui lança un regard menaçant. Jin se tut, mais n’en pensait pas moins. Elle baissa de nouveau les yeux vers Nanami de nouveau.

— Tu dois rester avec nous ? Pourquoi ?

— Je dois rester avec vous, c’est écrit dans mon programme.

— D’accord, passons. Il faudra que tu nous en dises davantage plus tard. Tu as faim ? Soif ? Comment tu te recharges ? Uniquement avec du courant ? Tu as quel âge ?

Nanami cligna des yeux, surprise par autant de questions, mais la curiosité de Haruka était insatiable.

— Je peux manger et boire pour produire de l’énergie, mais ce n’est pas suffisant pour me maintenir en état de fonctionnement. Mes réserves sont actuellement à 2 % d’énergie. J’existe depuis un an et six mois.

Elle avait plutôt l’air d’une jeune fille de seize ou dix-sept ans, pas d’un enfant en bas âge.

— Et ton pendentif ?

— Un pendentif ?

Jin venait juste de le remarquer, alors qu’il était là sous ses yeux. Il était accroché au cou de Nanami depuis tout à l’heure, mais Jin avait été obnubilé par la prise sur sa nuque.

— C’est…

Elle chercha ses mots.

— Je l’ai reçu de mon créateur. C’est le seul don qu’il ne m’ait jamais fait.

— Ton créateur ? Qui est-ce ?

Il n’y avait rien écrit dessus. Le pendentif était rond et peu épais, comme une pièce de cinq cents yens.

— Je ne sais pas. Je… Je ne l’ai pas connu. Tout ce que je sais, c’est qu’il m’a programmée pour venir ici, en me laissant me débrouiller seule.

Jin put lire dans son regard une sorte d’abattement. Nanami fronçait les sourcils, comme si la mention de son créateur la rendait triste. On aurait dit un chien abandonné.

— Mais tu es arrivée jusqu’à nous, tout va bien maintenant. On va s’occuper de toi. Hein, Jin ?

— Pardon ?

Encore une fois, Haruka lui lança un de ses regards assassins. Elle semblait particulièrement attachée à la petite Nanami, au grand désarroi de son compagnon.

— D’accord, mais juste pour cette nuit ! Et je vais continuer à veiller sur elle !

— Ça ne sera pas nécessaire, vraiment ! Allez-vous reposer monsieur Ichinose…

— Appelle-moi Jin, l’interrompit-il.

— Jin. Si je voulais vous faire du mal, je l’aurais fait bien plus tôt. Vous devez me croire, je ne suis pas là pour vous nuire, je vous en prie !

Jin hésita, mais se laissa tout de même convaincre. Elle avait raison, elle aurait eu l’occasion de lui faire du mal alors qu’il somnolait devant elle tout à l’heure.

— D’accord. On en reparlera un peu plus posément demain. Mais avant je veux te poser une question, Nanami. Si tu y réponds, je serai d’accord pour que tu restes avec nous ce soir.

Elle leva la tête vers Jin.

— Une question ?

— Les trois lois de la robotique font-elles partie de ton programme ?

Nanami hocha alors la tête.

— Oui. Cela fait partie de mes directives.

— Ça veut dire que tu obéis à d’autres lois en plus ? Quelles sont-elles ?

Jin, en bon amateur de romans de science-fiction, les connaissait très bien. L’androïde jeta un court regard vers Haruka avant de se tourner vers Jin de nouveau.

— Je n’ai pas accès à l’intégralité de ma base de données pour répondre à cette question. Des restrictions ont été posées par mon système et je ne peux pas les retirer. Je…

Jin l’interrompit.

— Cite-moi les trois lois. Je m’en contenterai.

Il souhaitait la juger sur ses connaissances de ces trois lois. Il voulait s’assurer qu’elle ne présentait aucun risque. Après tout, Haruka était déterminée à garder cet androïde coûte que coûte.

Nanami prit sa respiration, et récita d’un ton solennel :

— Je ne dois pas porter atteinte à un être humain ni, en restant inactive, permettre qu’un être humain soit exposé au danger.

— Bien. Continue.

— Je dois obéir aux ordres qui me sont donnés par un être humain, sauf si cela entre en conflit avec la loi précédente.

Jin hocha la tête cette fois.

— Je dois préserver mon existence tant que cette protection n’entre pas en conflit avec les lois précédentes.

— Rien d’autre ?

Nanami n’était pas bien sûre de comprendre, et retourna sa question.

— Il y a d’autres lois que je suis censée connaître ?

— Tu connais les trois lois de la robotique d’Asimov. C’est un bon début. Celui qui t’a créée est animé de bonnes intentions.

— Je n’en suis pas sûre.

La mention de son créateur la plongea de nouveau dans l’amertume et la fit soupirer. Jin continua son interrogatoire.

— La principale question étant, dois-tu les respecter ?

— Comme je l’ai dit, elles font partie de mes directives.

Jin resta perplexe. Nanami n’avait pourtant pas répondu à ses questions plus tôt. Haruka se tourna alors vers Jin.

— Tu es satisfait ?

— Pas tout à fait. Tout cela manque de cohérence, mais si tu lui fais confiance, je n’ai pas vraiment le choix.

— Si tu ne veux pas dormir sur le canapé, en effet, ajouta Haruka en plaisantant.

Jin lâcha un petit rire nerveux. Nanami baissa la tête devant lui.

— Je… Je vous remercie.

— On va dormir pour le moment. Demain, pour prouver ta valeur, tu vas nous aider à finir notre emménagement, dit-il d’un ton sévère.

Jin semblait intransigeant et n’était vraiment pas à l’aise avec le nouveau membre de leur foyer. Quelle garantie avait-il qu’elle respecterait les lois de la robotique qu’elle avait énoncées ? De plus, un autre détail semblait toujours le tracasser. Haruka sembla néanmoins satisfaite de sa décision.

— Il faudra aussi s’occuper de cacher cette prise. Comment a-t-on fait pour ne pas la voir tout à l’heure ?

Nanami lui sourit alors.

— Oh, c’est très facile !

Elle débrancha le câble USB, mais contrairement à tout à l’heure, elle ne perdit pas connaissance. Elle avait accumulé suffisamment d’énergie pour sa petite démonstration. Nanami pencha sa tête vers l’avant, et Jin et Haruka purent admirer la prise graduellement disparaître. La peau se reconstruisit à vitesse éclair sous leurs yeux, couvrant également les inscriptions qu’ils avaient observées tout à l’heure.

— C’est…

— Ma peau n’est qu’un revêtement que je peux retirer et remettre à loisir. Cela me sert à cacher et protéger ma véritable apparence.

Et, comme pour enfoncer le clou, elle leur tendit la main. La peau disparût progressivement comme un mirage, laissant place à une main métallique dont elle fit bouger les doigts.

— Ce revêtement permet également d’étouffer les sons.

Elle fit bouger ses doigts, et les articulations produisirent en effet un petit bruit que des doigts humains en mouvement ne faisaient normalement pas.

— C’est génial, Nanami ! Tiens, attends.

Haruka attrapa le câble USB, et se plaça derrière l’androïde. Une fois que Nanami fit réapparaître la prise dans sa nuque, Haruka la brancha sur le secteur de nouveau.

— Merci !

Jin avait un peu de mal à y croire. Lui aussi avait pourtant épousé les sciences, même s’il n’avait pas fait carrière, et bien que tout cela relève du possible, c’était juste trop fou pour être vrai. Surtout en voyant Haruka et Nanami s’échanger des sourires, comme deux êtres humains normaux.

— Jin, je ne vais pas arriver à dormir de la nuit ! Je dois en savoir plus sur toi, Nanami !

Haruka semblait excitée comme une puce. Jin soupira.

— J’ai compris, je vous laisse entre filles.

Un peu vexé d’avoir tort face à Haruka, il tourna les talons et la laissa avec Nanami, non sans une pointe d’inquiétude. Elle semblait inoffensive, mais il ne pouvait s’empêcher de penser qu’elle cachait quelque chose.

Haruka, au contraire, ne semblait pas inquiète du tout.

Lorsqu’il quitta la pièce, Haruka se tourna de nouveau vers la jeune fille assise sur le canapé.

— Nanami.

Cette dernière tourna la tête vers Haruka, et fut plutôt surprise quand celle-ci la prit dans ses bras. L’étreinte était forte, et la jeune androïde n’avait jamais connu cela.

— M-Mademoiselle Haruka ?

— Appelle-moi juste Haruka, comme pour Jin. Tu es ici en sécurité. Jin et moi veillerons sur toi, d’accord ?

Nanami ne savait pas quoi dire, mais son programme lui dicta d’enlacer la jeune femme contre elle.

— Merci, Haruka.

Elle reposa sa tête contre son épaule, et sentit Haruka lui caresser le dos.

— J’ai vu tes blessures, elles ne sont pas dues à une simple usure de ton corps.

— Je me suis battue, mais mon revêtement va se régénérer quand j’aurai accumulé suffisamment d’énergie.

— D’accord.

Nanami se laissa aller et se détendit dans les bras de Haruka.

— C’est donc ça, un câlin.

— Ha ha, oui, c’est ça.

Haruka se désengagea alors pour regarder Nanami droit dans les yeux.

— J’en ai beaucoup fait à ma petite sœur qui pleurait sans arrêt quand elle était petite.

— Une petite sœur ?

— Oui, elle s’appelle Akari, vous allez bien vous entendre, j’en suis sûre.

Elle lui sourit chaleureusement, tout en continuant à lui caresser les cheveux.

— Tu es faite de métal, de… peau… et de composants électroniques, mais tu as l’air si réelle, si humaine, c’est fou.

Haruka la contempla de nouveau, complètement sous le charme. Elle s’agenouilla devant elle et prit sa main dans la sienne. La même main qu’elle avait montrée aux deux jeunes gens quelques instants plus tôt.

— Montre-moi encore.

— C-c’est embarrassant.

— On est entre filles, et puis tu nous l’as montré quand Jin était là tout à l’heure.

Nanami hocha la tête, et regarda ailleurs tandis qu’Haruka observa la peau de la main de Nanami disparaître de nouveau et laisser place à du métal.

— Incroyable…

Elle inspecta cette main robotique sous toutes ses coutures.

— Ton corps a besoin de maintenance ?

— Les dégâts sur mon corps n’étaient pas prévus, mais je peux auto-réparer certaines choses.

— Tu ne peux pas te débrouiller entièrement seule, c’est ça ?

Elle secoua la tête, son regard honteux.

— J’ai besoin de courant pour m’alimenter, et j’ai besoin d’aide pour d’autres choses aussi, oui.

— Ne t’en fais pas pour tout ça. Tu nous diras demain ce qu’on peut faire pour toi et on s’occupera de tout. Je dois pouvoir trouver quelque chose qui te sera utile au labo. On va t’aider.

Elle fit tout pour rassurer la jeune fille devant elle.

Lorsqu’elle lâcha sa main, Nanami fit réapparaître sa peau pour la couvrir de nouveau.

— Je te fais confiance. Tu ne nous aurais pas dit tout ça si tu étais mal intentionnée. Quant à toi, tu peux nous faire confiance, à Jin et moi. Il a beau se montrer réticent vis-à-vis de toi, il s’inquiète beaucoup. Il finira par t’apprécier. Je le connais depuis longtemps et je lui fais entièrement confiance.

— D-D’accord. Tu es très gentille, Haruka.

— Il m’a fallu beaucoup de gentillesse pour élever ma petite sœur ! dit-elle fièrement.

Haruka ébouriffa les cheveux de Nanami avant de se lever.

— Recharge-toi, demain une longue journée nous attend.

— O-Oui. Bonne nuit, Haruka, dit-elle timidement.

La jeune femme quitta alors la pièce, laissant Nanami seule sur le canapé. Celle-ci s’allongea sur le côté, le câble USB toujours connectée à sa nuque.

— Créateur, c’est quoi au juste l’éternité ?

Elle marmonna ces quelques mots avant que ses yeux ne se ferment. La jeune androïde passa en état de veille instantanément afin de se recharger plus vite. Pour elle, pas besoin de compter des moutons électriques pour s’endormir.



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