Chapitre 10 – Préservation des données

Created on par Axel Terizaki

Chapitre 10 – Préservation des données

Le 16 octobre approchait à grand pas et Jin en avait plus qu’assez d’attendre sans rien faire. Nanami lui avait dit, devant Ema et Satoshi, que parler à Haruka était une très mauvaise idée, et pourtant il en mourrait d’envie. Pouvoir la prévenir, lui dire que sa vie était en danger… Il ne rêvait que de cela. Même si Nanami lui avait dit de prendre son mal en patience, il restait les deux agents du futur. Que feraient-ils si Jin essayait d’intervenir ouvertement ? Tant de questions et si peu de réponses…

Il avait lu suffisament de récits de science-fiction pour savoir quels étaient les risques qu’il encourait.

Il n’arrivait pas à se sortir ce dilemme de la tête, alors même qu’il préparait le petit-déjeuner.

Haruka était encore absente de la maison.

— Bonjour !

Nanami entra dans la cuisine en uniforme, prête à partir. Mais elle avait encore largement le temps pour arriver à l’heure au lycée.

— Bonjour Nanami.

Celle-ci leva un sourcil en voyant Jin toujours aussi morose.

— Tu as encore mal dormi, je parie ?

Ce dernier hocha la tête lentement en guise de réponse. Lui aussi était prêt à partir pour le travail, il ne lui manquait que sa veste.

— Jin, il faut que tu te reposes mieux.

— Comment tu veux que je ferme les yeux la nuit, Nanami, quand je sais que Haruka va mourir ? Comment ?

Ils avaient déjà eu cette discussion. Nana mi soupira.

— Je t’en prie, aies confiance en moi.

Elle le surprit alors en le prenant dans ses bras. Sans trop serrer, car elle savait qu’elle pouvait faire du mal à quelqu’un en y allant un peu trop fort.

— Nanami…

— Tout va bien se passer, je te le promets. Tu m’as créee, Jin. Toi et Akari ! Vous m’avez faite tous les deux ! Je ne vous décevrai pas ! Je dois tellement à Haruka aussi… Fais-moi confiance, ça ira.

Jin se mordit la lèvre inférieure.

— Nanami, j’ai bien compris qu’en tant que personne de cette époque, je ne pouvais pas agir directement sur le sort de Haruka maintenant, mais toi oui. Toi tu peux changer les choses. Alors si je peux t’aider…

Elle releva la tête.

— Héhé. Justement !

Nanami sortit une clé USB de la poche de son blazer.

— C’est quoi ?

— Quand tu iras travailler aujourd’hui, branche cette clé sur ton ordinateur de bureau. Cela prendra un peu de temps, mais je t’enverrai un message si ça a fonctionné. Elle me permettra d’ouvrir une porte d’accès au réseau. J’ai notamment besoin des plans du laboratoire souterrain où Haruka travaille, ainsi que quelques autres choses. Je voulais modifier le planning des congés pour éviter de mettre en danger un maximum de personnel, mais Ema et Satoshi ne vont pas être contents si je fais ça.

Jin regarda la clé USB dans sa main, puis la rangea dans l’une des poches de son pantalon.

— Tu veux dire, si tu modifies trop le futur.

— Oui… si des gens doivent mourir le 16 octobre, je ne pourrai pas les sauver. Haruka est ma priorité.

— Mais, ton programme… Les lois de la robotique… ?

Nanami fit un pas en arrière et se voulut rassurante.

— Je ne les oublie pas. Ils sont une partie de moi contre laquelle je ne peux pas aller. Cependant, si je dois choisir entre Haruka et la vie de quelqu’un d’autre, je choisirai Haruka.

— Et si c’était moi qui étais en danger, tu choisirais toujours Haruka ?

Elle hocha la tête.

— C’est comme ça que je fonctionne. C’est comme ça que Akari m’a programmée. Si ça veut dire que tu dois mourir, et que par conséquent, ma propre vie sera mise en péril, alors je sauverai Haruka.

Nanami semblait déterminée, mais Jin lui, restait confus. En voyant sa réaction, Nanami lui offrit son meilleur sourire.

— Mais j’ai un plan pour ça, et tu vas m’y aider, Jin.

* * *

La machine était en marche.

Maintenant que Nanami savait ce pourquoi elle était là, quel était le but de sa vie, de son existence, elle parraissait plus vivante que jamais aux yeux de ses camarades de classe.

— A plus tard !

Elle salua les autres élèves encore dans la classe juste après les cours. Elle avait quelque chose à faire d’important aujourd’hui. Et les autres jours. Tous les jours étaient devenus subitement importants. Elle ne pouvait plus se permettre de vivre une vie paisible, maintenant qu’elle savait ce que le futur lui réservait, à elle et son entourage.

— Nanami est bizarre en ce moment, tu trouves pas Akari ? Depuis le jour où tu l’a branchée à ton ordinateur, elle a l’air beaucoup plus occupée.

— Ouais.

Satsuki observa Akari après lui avoir fait sa remarque au sujet de l’androïde. Mais celle-ci ne semblait guère d’humeur à discuter. Sa voix manquait cruellement d’émotion. A tel point que Satsuki se demandait si son amie n’était pas déprimée.

— Qu’est-ce qui t’arrive Akari ? Tu es bizarre toi aussi depuis ce jour-là.

Evidemment, Satsuki n’était au courant de rien. Akari avait dû lui mentir et lui dire qu’elle n’avait rien trouvé dans Nanami pour l’aider à recouvrer la mémoire. La jeune informaticienne était une bien piètre menteuse, à vrai dire. Ou bien Satsuki était plsu perspicace qu’elle n’en avait l’air.

Elle se doutait de quelque chose, sans pouvoir savoir quoi, et elle était dans cette inconfortable position sociale où elle voulait savoir, mais ne voulait pas brusquer son amie en lui tirant les vers du nez.

— Akari ? Tu ne veux toujours pas me dire ce qui en va pas ? Je m’inquiête tu sais.

La jeune fille regarda son amie et colocataire. Elle avait l’air déprimée, et prit son temps avant de lui répondre.

— Ça serait trop compliqué à expliquer, Satsuki, et en plus… je ne peux juste pas. On en a déjà discuté, et j’aimerais que tu arrêtes de me demander ce qui ne va pas.

— Mais…

— Je t’ai dit non, Satsuki !

Elle se leva subitement, et regarda Akari d’un air triste. En colère plus contre elle-même que contre Satsuki, elle prit ses affaires et s’en alla, laissant son amie sur place. Celle-ci ne savait pas trop comment prendre la réaction d’Akari.

— Comment puis-je t’aider, Akari… ?

* * *

Nanami était loin de s’inquiêter pour Akari. Son objectif était ailleurs pour aujourd’hui.

Elle se rendit au troisième étage du bâtiment des clubs, où se situait le bureau du conseil des élèves. Une fois postée devant, elle toqua à la porte.

— Entrez.

La personne à l’intérieur semblait fatiguée, mais elle esquissa un sourire en voyant entrer Nanami.

— Ah, c’est toi Nanami. Il est déjà cette heure-là…

Mizuho se redressa, assise derrière le grand bureau de la salle du conseil des élèves. La grande brune jeta un coup d’oeil à son ordinateur portable posé sur le côté, et posa ses mains sur le bureau avant de continuer.

— Tu voulais me voir, non ? Mon temps est limité, avec la fête d’anniversaire de l’école qui arrive…

Nanami s’inclina doucement.

— Merci de m’accorder de votre temps, présidente. Et aussi d’avoir accepté de me recevoir en privé.

— Ce n’est pas très facile ces derniers temps, je suis souvent solicitée. Mais pour toi, je peux bien faire quelque chose.

Ses mains posées sur le buerau se rejoignirent.

— Justement, j’aurais un service assez personnel et important à vous demander.

Mizuho leva un sourcil, intriguée.

— C’est rare que tu sois celle qui me demande un service, d’habitude c’est moi, ou quelqu’un de l’école. Mais tu as tellement fait pour nous tous, cela serait injuste que je te refuse quoi que ce soit.

Nanami lui expliqua alors ce qu’elle avait en tête, et ce qu’elle attendait d’elle. Mizuho écarquilla les yeux.

— Dans une semaine hein ? Ce que tu me demandes est énorme. Et assez osé. Intriguant même je dois dire.

Elle se mit à rire doucement.

— Mais j’avoue, je ne m’y attendais pas ! Tu dois avoir une bonne raison de vouloir faire ça, et de bonnes informations. Très bien, je serai là. Ton histoire m’intéresse.

— Merci ! Vous serez là aussi, mademoiselle Maho ?

Nanami se tourna vers un des coins sombre de la pièce. Une femme en tenue de soubrette était tapie dans l’ombre. Elle en sortit.

— Vous m’avez remarquée, mademoiselle Andô.

L’androïde répondit fièrement.

— Rien ne m’échappe !

Mizuho eut l’air étonnée, et s’éclaircit la gorge.

— Mahô sera là, oui. Mes autres domestiques aussi, ne t’en fais pas.

— Parfait !

Et sur ce, Nanami sortit de la pièce après avoir dit au revoir.

— Elle m’a remarquée, nota la domestique.

— Oui, elle est surprenante, n’est-ce pas ? Je l’embaucherais presque pour prendre ta place, Mahô.

— Pardon ?

La domestique se retourna vers sa maîtresse.

— Je plaisante.

— Dois-je faire un rapport à votre père ?

Mizuho secoua la tête.

— Non, il n’a pas besoin de tout savoir sur ce que fait sa fille, n’est-ce pas ? Et puis, on va pouvoir s’amuser un peu.

— Je ne sais pas si on peut parler de s’amuser…

* * *

Les jours passèrent et la date du 16 octobre se rapprochait inéxorablement. Mais alors que les gens de cette époque vaquaient à leurs occupations tant bien que mal, deux personnes, qui n’appartenaient pas à ce moment, étaient toujours dans l’expectative.

Ema et Satoshi, les deux membres du Département de Défense des Paradoxes Temporels venaient de rentrer de leur job à mi-temps. Une couverture comme une autre, à vrai dire. Si l’argent n’était pas un souci, il fallait bien éviter que le voisinage se pose des questions si un couple qui venait d’emménager ne sortait jamais de chez eux pour aller travailler. Ils faisaient leur petite vie tout en continuant d’enquêter sur Nanami afin de l’appréhender en douceur.

Mais cette mission ne s’était pas passée comme prévu. Les missions ne se passent jamais comme prévu. Nanami avait montré qu’elle n’était pas animée de mauvaise intentions et la faire disparaître aurait nécessité un autre voyage dans le temps.

Ema avait sorti leur système de communication. Ce dernier ressemblait trait pour trait à un de ces ordinateurs portables haut de gamme, mais le système à l’intérieur et ses composants éléctroniques n’avaient rien à voir.

— Alors, qu’est-ce que ça donne ?

— Rien. Je n’arrive pas à avoir Central.

— Donc le 16 octobre est bien un nœud temporel.

Les communications à travers le temps étaient rendues plus difficile autour des nœuds temporels, ces moments où des évènements changeant radicalement la ligne temporelle pouvaient avoir lieu.

— Ça en a tout l’air. On va être livrés à nous-mêmes jusqu’à ce qu’il se dissipe.

Ema soupira, puis continua.

— Tu es vraiment sûr qu’on peut lui faire confiance ?

Satoshia sortit une canette de jus de fruits du frigo, et la décapsula avant d’en boire une gorgée, puis répondit à sa collègue.

— Tu appelles ça comme tu veux, de l’intuition ou autre chose, je ne sais pas, mais il y a quelques éléments qui me font dire qu’elle n’est pas ce qu’on pense.

Ema resta silencieuse, et referma le communicateur. Cela ne servait à rien d’essayer davantage. Satoshi s’assit face à elle à la table basse de leur petit appartement.

— Reprenons. Elle est là depuis à minima le mois de juillet. Mai d’après nos recherches sur le terrain. Depuis qu’on la surveille, elle n’a absolument rien fait de louche à part vivre sa petite vie de lycéenne modèle. Elle a un semblant de vie sociale, elle vit chez les Ichinose-Ayase, et elle n’a utilisé ses capacités d’androïde dans deux cas de figure : le premier pour sauver des vies, le second pour préserver sa propre existence.

— Oui, quand on l’a attaquée, elle s’est uniquement défendue et n’a jamais essayé de nous tuer. Elle n’a pas non plus cherché à nous retrouver.

Satoshi hocha la tête.

— Exactement. Le pire qu’elle ait fait reste d’avoir révélé son identité à toute une classe d’élèves, ainsi qu’aux Ichinose-Ayase. Dans cette époque, les robots ne sont pas encore suffisament développés pour passer pour des humains comme elle le fait, mais la culture populaire rend son existence à cette époque à peu près possible. Tant qu’on ne gratte pas trop.

— Je te l’accorde, mais du point de vue de la loi temporelle, ça reste une infraction majeure. Qu’est-ce que tu fais des dégâts qu’elle a causé au prototype S2 ? Elle a retardé l’apparition du voyage dans le temps de plusieurs décennies en effaçant le travail qui avait été fait avant d’utiliser la machine et la détruire.

— Tu as raison Ema, mais elle l’a dit elle-même quand on est intervenus chez Akari Ayase : elle a été endommagée par le voyage temporel, ce qui a affecté son programme.

Ema posa son menton dans ses mains.

— Tu es en train de me dire qu’elle aurait changé de personnalité en voyageant dans le passé ?

— Ce n’est pas à exclure. La « Nanami » d’aujourd’hui n’est peut-être pas la même qui a détruit le prototype et réduit à néant les recherches sur le voyage dans le temps dans l’espoir qu’on ne la retrouve pas.

Cela plongea Ema en pleine réflexion.

— Elle se considère pourtant coupable de ce qui est arrivé, tu te souviens de ce qu’elle nous a dit en privé, non ?

Satoshi hocha la tête à son tour, et reprit une gorgée de sa canette.

— Je n’ai pas oublié. Et son plan… pourrait fonctionner. Elle nous a fait une promesse.

— Et tu lui fais confiance juste parce qu’elle a fait une promesse ?

Il hocha les épaules cette fois. Elle marquait un point.

— Je sais que c’est irrationnel mais de toutes façons, on a atteint un point de non-retour. Central nous a envoyé toutes les informations dont nous avions besoin, mais je ne pense pas qu’il faille qu’on intervienne, ça ne ferait qu’empirer la situation. Nous devons nous placer comme observateurs des actes de Nanami pour l’instant.

— Mais Satoshi…

— Je sais ce que tu en penses Ema, on en a déjà discuté.

— Il n’empêche, je continue de penser que c’est une mauvaise idée.

— Si elle tient sa promesse, nous aurons ce que nous voulons, et s’il y a des complications, il sera toujours temps d’envoyer quelqu’un avant nous pour l’intercepter, maintenant qu’on en sait plus sur elle.

— Ça c’est si il ne nous arrive pas quelque chose d’ici le 16 octobre. Les communications devront être rétablies aussi pour qu’on puisse rentrer.

Satoshi leva un sourcil.

— Je te trouve bien pessimiste pour quelqu’un qui se faisait une joie de partir pour cette mission.

— Les choses ont un peu changé depuis que nous sommes arrivés ici. C’est juste que…

Il l’interrompit.

— Tu es vexée parce qu’elle t’a cassé le bras ?

Ema releva la tête, et se mordilla la lèvre inférieure.

— Non mais ça n’a rien à voir ! Si elle n’avait pas décuplé son niveau d’énergie j’aurai puf acilement la battre. Je suis sûre que si on remettait ça, elle ferait moins la maline !

Cela fit rire Satoshi. Sa collègue rougit.

— Hé !

— J’aimerais bien voir ça, à vrai dire. Mais pour ce qui nous préoccupe présentement, on a plus le choix des armes maintenant.

Ema hocha la tête lentement. Elle n’était toujours pas convaincue, mais elle se contenta d’écouter son collègue.

— Je suppose. Ecoute, je vais te faire confiance à toi. Je ne fais pas confiance à Nanami, mais si toi tu es de son côté…

— Merci, Ema. On travaille à deux là-dessus.

— C’est un moment décisif pour notre futur.

Il jeta un œil vers la fenêtre. Le ciel était quelque peu pluvieux, il faisait bon à rester à l’intérieur. Néanmoins, Ema lui proposa une sortie.

— On se fait des ramen ce soir ?

— Ça me va.

* * *

Quelques jours pasèrent encore. Nanami en avait enfin terminé avec sa journée scolaire. Elle prit ses affaires et se dirigea vers le portail. A sa surprise, quelqu’un l’y attendait.

— Akari ?

Cette dernière était adossée au mur à la sortie de l’école.

— Tu en as mis du temps… Ça te dérange si on discute un peu en marchant ?

Son interlocutrice se doutait un peu de ce dont il était question et regarder un peu autour d’elle.

— Satsuki n’est pas avec toi ?

— Non. Je lui ai dit de m’attendre à la résidence. Je voulais te parler seule à seule. Et puis Satsuki peut être un vrai pot de colle parfois.

Akari n’était pas vraiment d’humeur à rire. C’était, à vrai dire, assez rare de la voir dans un tel état d’esprit. Les deux lycéennes commencèrent alors à marcher vers la gare.

— Elle tient beaucoup à toi, même moi je peux comprendre ça !

Nanami rit doucement. Cela contrastait beaucoup avec l’attitude d’Akari, plus ferme, plus morose.

— Nanami… comment tu peux… Comment tu peux être aussi calme ? Tu viens du futur et tu m’annonces que ma grande sœur va mourir…

Elle ferma les yeux et s’arrêta de marcher soudainement.

— Je peux pas… je ne sais pas quoi faire, j’ai du mal à dormir, je fais des crises de panique que j’essaye de le cacher à Satsuki. Et toi tu en ris comme si de rien n’était ? Je ne comprends pas…

Le sourire de Nanami disparut aussitôt de son visage, et celle-ci s’arrêta net. Elle se tourna vers son amie.

— Et si on allait faire un karaoké ?

— Q…Quoi ?

— Allez, viens !

Elle attrapa la main d’Akari et l’emmena quelques ruelles plus loin. Akari n’était pas vraiment d’humeur à chanter non plus, mais difficile de résister à un androïde qui vous tire fermement par la main.

Une fois arrivées, Nanami lâcha sa main. Akari leva alors les yeux et lut le nom de l’enseigne sur l’immeuble.

— « Karaoke Mugen » ?

La jeune fille au ruban rouge lui offrit alors son sourire le plus rassurant.

— C’était le karaoké le plus proche et le mieux noté sur Internet ! Entrons ! Fais-moi confiance !

Toujours peu convaincue, Akari la suivit alors. Elle regarda un peu aux alentours tandis que Nanami réservait une salle de karaoké pour deux.

L’endroit n’avait rien de spécial, il était même plutôt générique en fait, si ce n’est ses tons oranges, blancs et bleus parmi les décorations.

Nanami conduisit alors Akari dans une petite salle au premier étage du bâtiment. Elle s’assied alors dans le canapé face à l’écran et ne prit même pas la peine d’user de la télécommande pour donner l‘ordre à la machine de lancer une chanson afin d’avoir un fond sonore.

— Viens t’asseoir, Akari.

Elle tapota la place à sa droite sur le canapé. L’autre lycéenne s’executa un peu timidement, et observa Nanami en retour.

— Tu voulais qu’on parle ici ?

Nanami la fixa de ses grands yeux bleus, et le volume sonore augmenta progressivement. Elle s’approcha du visage d’Akari

— Oui, je ne voulais pas que quelqu’un puisse nous entendre.

— Ah…

Akari se décontracta, mais gardait une certaine forme de nervosité dans sa posture. Elle avait un mal fou à rester calme.

— Tout ça te tracasse beaucoup, n’est-ce pas ?

La jeune fille près d’elle hocha la tête.

— J’imagine que c’est normal. Tu as peur pour Haruka ?

— Bien sûr, c’est ma sœur ! Tu es là pour la sauver mais…

Nanami l’interrompit.

— …mais tu ne me fais pas confiance.

— Non, c’est pas ça, je…

Elle fut de nouveau interrompue par l’androïde, qui visiblement faisait preuve d’une bonne compréhension des sentiments humains pour une fois.

— Je ne peux pas t’en vouloir Akari. Mais si tu n’as pas confiance en mo… aies confiance dans le toi qui m’as… qui va me créer, des années plus tard. Pour cete tâche. Et je l’accomplirai, même si je dois me sacrifier pour ça.

— Attends… quoi ?

— Tu as débloqué mes souvenirs et je sais ce qu’il se passe ce jour-là. Enfin, je m’attends à des complications, mais j’ai une idée de ce qu’il va se passer. Et j’ai déjà commencé à mettre des choses en place.

— Hein, des choses ? Qu’est-ce que tu veux dire ?

Nanami tourna la tête vers l’écran et continua à parler à Akari.

— J’ai beaucoup appris en vous cotoyant. Je sais que je peux faire quelque chose de plus que ce qui était prévu initialement, avec tout ce que j’ai appris, C’est grâce à cette expérience que je pense pouvoir réussir. Au final, ce n’est pas si mal que je vous ai rencontrés, toi, Jin, Haruka, tous les autres…

— Je ne comprends rien à ce que tu racontes, Nanami ! De quoi tu parles ? Si je peux aider…

— Tu vas m’aider, oui. J’aurai besoin de toi le jour J.

Akari la défigura du regard.

— Quoi ? Je peux vraiment t’aider ? Mais ça va être dangereux, non ? Tu crois que je peux le faire, Nanami.

Elle semblait en effet nerveuse et effrayée.

— Probablement, mais ce n’est pas dans mon intêret que tu sois exposée au danger. Que deviendrais-je s’il t’arrivait malheur à toi aussi ? Plutôt que d’avoir peur de ton futur, fais tout pour le changer ! Et je vais t’y aider.

Akari ne savait pas trop quoi dire. Bien sûr elle devait créer Nanami dans le futur, si elle disparaissait, il n’y aura alors plus de Nanami possible, et tout un tas d’autres paradoxes arriveraient alors. L’autre jeune fille tourna alors la tête vers elle de nouveau et toujours avec un grand sourire, attrapa une clé USB dans son sac, pour la tendre à Akari.

— J’ai un plan.

* * *

Même le meilleur des plans a toujours une faille, ou rencontre toujours un obstacle imprévu. Mais quid du plan d’une androïde aux capacités de calcul incalculables et à une connaissance très précise des évènements ?

Le matin du 16 octobre, Mme. Miyashima scruta sa classe et nota deux absentes : Nanami Andô et Akari Ayase. Mais une troisième élève était elle aussi absente. Un fait particulièrement rare pour une élève aussi modèle et aux nombreuses responsabilités dans l’école.

Mizuho Nishikino, la présidente du conseil des élèves, était absente.

C’était largement suffisant pour lancer les rumeurs les plus folles. Mais ce n’était pas ce qui nous intéressait ce jour-là.

Ce jour-là était censé être comme tous les autres pour beaucoup de gens, Haruka y compris. Cette dernière sortit de son sac de couchage et alla prendre une douche pour se réveiller. Le laboratoire souterrain de l’entreprise était bien équipé pour y vivre quelques temps, même si certains managers abusaient de ces installations pour convaincre leurs employés de dormir sur place. La scientifique se débarbouilla et tenta de se coiffer avant d’abandonner l’idée devant la détermination de ses mèches rebelles.

Lorsqu’elle sortit de son bureau, Shiho, sa supérieure, l’attendait. Les deux femmes se toisèrent.

— Toi aussi tu viens de te lever, hein ?

Shiho hocha la tête, des cernes sous les yeux. Elle pesta :

— Ouais… Au moins ce soir on devrait pouvoir rentrer. Et puis les grands pontes ne sont pas là. Tu parles, ils sont bons pour nous mettre un coup de pression mais dès qu’il faut être là pour les moments importants il n’y a plus personne.

Haruka acquiessa, et les deux femmes se dirigèrent vers la salle de test où était la première machine que la plus jeune avait crée. D’autres l’avaient construite, et il s’agissait bien sûr d’un prototype voué à être amélioré, mais la réussite technique était là. En tous cas, sûrement d’ici quelques heures.

Elles traversèrent un long couloir les amenant à la salle de contrôle de la première salle de test. Elle était bardée d’écrans permettant de surveiller différents aspects de l’expérience. Sitôt qu’elles entrèrent, un assistant se leva de son poste pour les acceuillir, et tendit deux tasses aux deux arrivantes.

— Café ?

Elles répondirent en chœur.

— Café.

Haruka sirota le sien tout en surveillant quelques écrans et en donnant les instructions nécessaires. Elle avait répêté avec ses collègues tout le déroulement de l’expérience d’aujourd’hui, et tout le monde savait ce qu’il avait à faire.

* * *

Haruka n’était pas la seule à déguster un café ce matin. Au-dessus de la surface, Jin était plus occupé à regarder sa montre qu’à réellement travailler.

« A environ 10h15, retrouve-moi dehors, juste devant la sortie du bâtiment où tu travailles. »

C’était les mots de Nanami ce matin avant de partir. Elle n’était pas en uniforme quand il l’a regardée s’en aller. Il y avait encore facilement une demi-heure avant l’heure prévue.

Son collègue le dévisagea du regard.

— Tu mates ta montre depuis tout à l’heure, ça va vieux ?

Jin tenta de ne pas l’inquiêter. Il n’avait parlé à personne d’aujourd’hui, mais il ne tenait lui-même plus en place et cela se voyait. Il tourna la tête vers son collègue alors que ceux-ci revenaient d’une pause café. La pause avait souvent lieu vers 10 heures pour tout le monde, mais Jin avait très mal dormi et s’était dit qu’un café avant l’heure ne lui ferait pas de mal.

Masaru s’installa à son bureau avant Jin et dévérouilla son ordinateur. Jin lui n’était pas spécialement pressé de s’installer.

— Hein, on a plus accès à Internet ?

— Tu sais bien qu’on a pas Internet.

— Ouais mais les sites d’actualité fonctionnent normalement, là y’a rien qui marche…

En temps normal, Jin n’aurait pas vraiment prêté attention à cette réflexion, mais aujourd’hui, c’était différent.

Il se leva de sa chaise et pour en avoir le coeur net, se dirigea vers la sortie du bâtiment.

C’est là que tout tourna mal.

Une fois dans le hall d’entrée, il tomba nez à nez avec des hommes cagoulés et armés. Des professionnels sans aucun doute. Sans un mot, ils l’attrapèrent avant qu’il ne puisse s’enfuir. Il se débattit mais ne faisait clairement pas le poids. Il fut plaqué au sol en un instant.

— Lâchez-moi ! Qui êtes-vous !?

Mais ils ne répondirent pas, et ceux qui parlaient se parlaient surtout entre eux en anglais. Même s’il connaissait un peu la langue, il ne la maitrisait pas oralement, surtout parlé au travers de cagoules. Tout cela contribuait à renforcer son état de stress.

Jin entendit de cris mais aucun coup de feu ne retentit. Quelqu’un le ligota dans l’entrée et le laissa là le temps d’aller rejoindre les autres pour s’occuper du bâtiment. Il pouvait voir par la vitre de l’entrée d’autres hommes cagoulés se dirigeaient vers l’ascenseur menant au laboratoire.

Il pâlit aussitôt.

* * *

Il ne leur fallut qu’une vingtaine de minutes pour prendre le contrôle du laboratoire entier. Ils savaient où aller, et qui ils devaient trouver sur place à l’intérieur du laboratoire. Des scientifiques furent faits prisonniers et rassemblés dans plusieurs salles de réunions, tandis qu’un détachement se dirigea vers la salle de tests où l’expérience de Haruka devait se dérouler.

La jeune prodige, elle, ne se doutait de rien. Elle parla sur le même ton autoritaire qu’elle harborait lorsqu’elle était plongée en plein travail.

— Bon, réessayons en ajustant les paramètres un peu. Montez la puissance du faisceau d’énergie de 2 %. On devrait rester dans les normes. Relancez le test.

L’assistant s’executa. C’est alors que la porte de la salle de contrôle s’ouvrit brusquement et quatre hommes armés entrèrent. Ils parlèrent en japonais.

— Vous ! Levez-vous et ne touchez plus à rien !

Tout le monde se retourna vers eux. Haruka protesta. Qui venait entraver son expérience ?

— C’est une blague ?

— Suivez-nous et pas de gestes brusques.

Vu leur ton autoritaire, les assistants, pourtant habitués parfois à la brutalité de Haruka ou de Shiho, obéirent sans discuter. Shiho essaya de trainer Haruka avec elle, mais celle-ci semblait paniquer quelque peu.

— Shiho, le test… !

— Je sais… !

Shiho tenta de raisonner l’un des hommes en parlant anglais.

— Vous ne pouvez pas faire ça, on doit contrôler le test, c’est dangereux… !

— La ferme !

Il leva son arme comme pour mimer de lui donner un coup si elle ne se taisait pas. Shiho dut s’executer, et jeta un regard vers Haruka, qui semblait aussi inquiête qu’elle.

Tout le monde fut conduit à l’une des salles de réunion où étaient rassemblés d’autres scientifiques. Deux hommes étaient occupés à leur attacher les mains.

L’un des hommes avec une grosse voix se fit entendre.

— On a tout le monde ?

— Oui, chef.

— Bien.

Il jeta un œil sur le personnel captif dans cette salle. Il avait déjà fait le tour des deux autres.

— Vous !

Il pointa son doigt vers Haruka, qui sursauta.

— M-Moi ?

— Oui vous, vous devez être Haruka Ayase. C’est vous qu’on vient chercher.

Haruka n’était pas encore attachée, mais ça n’allait pas tarder. Quelqu’un était en train de passer des menottes à Shiho à côté d’elle.

— Qui êtes-vous ? Et pourquoi vous êtes là ? Je ne suis pas une demoiselle en détresse ! Et on vient de lancer un test pour une expérience, si on le laisse sans supervision…

L’homme l’interrompit.

— Je m’en fous de ce que tu as à dire, tu vas venir avec nous. On va remonter et repartir aussi sec, c’est ça le plan. Et si t’es pas d’accord, on t’assomera s’il le faut.

Haruka regarda aux alentours, mais les sorties de la pièce étaient sous bonne garde. Aucun moyen de s’enfuir.

— Chef ! Dehors…

Un des hommes accoura, essouflé. Le chef en question, qui venait de parler à haruka, sembla agacé.

— Quoi encore ?

Il tourna la tête alors qu’il allait passer lier les mains de Haruka, et celle-ci saisit cette opportunité pour l’asséner d’un coup de genou entre les jambes.

L’homme grogna et faillit tomber, avant de se rattraper à la table. Aucun des assaillants ne portait de protection. Après tout, personne ne leur avait dit qu’une androïde et une armée de domestiques viendraient les déranger dans leur mission.

— Sale petite…

C’est à ce moment-là que Haruka prit ses jambes à son cou et détala à toute vitesse, manquant de renverser un des gardes sur le passage.

Il voulut saisir son arme mais un autre homme l’en empêcha.

— Non, on ne doit pas les blesser !

— Personne nous avait dit qu’ils allaient résister ! Rattrapez-moi cette furie !

Les autres otages étaient pour le moins abasourdis d’avoir vu Haruka quitter les lieux aussi rapidement. Il était de notoriété publique dans le labo que Haruka détestait cordialement les salles de réunions et les réunions en général, mais de là à les fuir comme ça…

— …Chef, attendez. Elle peut pas sortir, on garde l’ascenseur principal et le monte-charge. Mais y’a plus grave, ils ont un problème à la surface.

— Hein ? Les flics sont pas censés nous gêner.

— C’est à dire que…

* * *

Jin releva la tête. Toujours coincé dans le hall d’entrée du bâtiment principal, il vit à travers la baie vitrée des hommes courir dehors en direction du parking de l’entreprise. Certains avaient l’air affolés, mais tous avaient leur arme à la main.

L’homme qui surveillait Jin hésita.

— Merde, il se passe quoi dehors ?

Sa radio commença à recevoir des appels de détresse, et l’on pouvait entendre une fusillade éclater.

— Merde, merde, merde.

Il alterna entre regarder Jin et dehors, comme s’il craignait quelque chose.

— Ack… !

Puis il s’écroula. Jin n’avait pas vu de coup partir, aucun coup de feu… Mais un carreau d’arbalète était logé dans le cou de son géolier.

— Hein ?

— Qu’est-ce que je t’avais dit, Jin ?

Lorsqu’il regarda du côté de l’escalier menant à l’étage, il vit une jeune fille en survêtement. Elle tenait son arme d’une main, et portait un ruban rouge dans ses cheveux.

— Nanami !?

Jin essaya de se débattre, mais il était solidement attaché.

— Attends, j’arrive.

Elle s’approcha et utilisa un couteau pour défaire les liens de Jin. Celui-ci se frotta les poignets et se leva, l’air décidé.

— Mais qu’est-ce que tu fais ici, tu devrais être…

Elle lui fait alors un sourire.

— T’inquiête, je gère. Et j’ai amené du renfort pour les occuper et délivrer les autres otages. Celui-là va roupiller un moment. Les autres aussi.

Elle rechargea son arme, avant de la ranger dans une petite sacoche. Elle s’accroupit alors près de l’homme qu’elle venait d’endormir pour se saisir de son arme et vider le chargeur. Elle écrasa alors soigneusement celui-ci dans sa main, avant de plier le fusil en deux comme s’il s’agissait d’une frèle branche d’arbre.

C’est à ce moment que la radio qu’il avait à la taille se mit de nouveau à recevoir des appels.

— On est attaqués par des… c’est pas possible ! Allez … le boss !

Jin avait du mal à comprendre ce qu’il se passait, surtout vu la communication hachée.

— On devrait…

— …attendre. Je t’avais dit de prendre ta pause à 10h15. Tu aurais dû te trouver dehors et tu n’aurais pas été capturé. Enfin, c’est pas si grave, l’important c’est que tu ailles bien.

Elle lui fit un autre sourire.

— Et les autres types… ?

— Endormis aussi à l’étage. Je n’ai pas encore libéré tes collègues, j’attends juste… Ah, les voilà ! Je leur ai signalé que la voie était libre.

Nanami fit un signe de la tête vers l’entrée du bâtiment. La porte coulissante s’ouvrit automatiquement et Jin vit entrer trois… soubrettes. Armées. Et parmi elles, une Akari un peu secouée qui tenait fermement sa sacoche d’ordinateur portable contre elle.

Son visage reprit des couleurs en remarquant Nanami et Jin.

— Vous êtes là, dieu merci !

Elle accourut vers Nanami, encore un peu paniquée quand même.

— Tu m’avais pas dit que ça serait super dangereux ! Ces types dehors ils rigolent pas, ils sont en train de se battre avec les domestiques de Nishikino ! J’hallucine !

— Nishikino ?

Jin sembla de nouveau perdu, et les trois domestiques qui accompagnaient Akari lui offrirent une courbette. Une jeune femme blonde s’avança alors. Elle parlait parfaitement japonais malgré son accent russe.

— Nous faisons partie des domestiques d’élite de la famille Nishikino. Nous prenons en charge votre protection à vous et à mademoiselle Ayase ici présente. Une autre équipe viendra délivrer les otages quand les assaillants auront été neutralisés.

Jin leva un sourcil, et essaya de rattraper sa machoîre avant qu’elle n’atteigne le sol. Il ne pensait pas que ce genre d’employées existait vraiment. La jeune femme le toisa du regard mais resta parfaitement stoïque, alors même que sa collègue était en communication avec l’extérieur via sa montre. Elle regarda autour d’elle.

— Le hall devrait être simple à protéger. Mademoiselle Ayase peut s’installer ici.

— Ah euh, oui, oui.

Akari, transie de peur, bredouilla quelque chose d’incompréhensible avant de se ressaisir. Il faut dire que la jeune sœur Ayase n’était pas préparée à des scènes de violence autour d’elle. On pouvait encore entendre dehors des coups de feu retentir. De moins en moins…

Elle s’installa au bureau de la réceptionniste et ouvrit son portable avant de lancer une application. Elle prit alors dans son sac une oreillette sans fil qu’elle plaça à l’entrée de son oreille gauche.

— Je suis prête.

Elle leva la tête vers nanami, qui hocha la sienne.

— La réception est bonne. Est-ce que ça passe ?

La voix de Nanami se fit alors entendre dans le czsque d’Akari.

— Super. Les communications céllulaires ne passeront pas une fois dans le laboratoire, mais avec la clé USB que je t’ai donnée, nous pourrons continuer à communiquer, si tout va bien.

Nanami jeta alors un œil dehors.

— Bien, il est temps que j’y aille, je dois sauver Haruka.

Jin sentit un frisson parcourir son échine, et se redressa.

— Je viens avec toi, Nanami.

Cette dernière se retourna.

— Jin, ça va être dangereux, il y a des hommes armés en bas. Si tu es là j’aurai du mal à avancer tout en te protégeant.

Il serra les poings. Lui, un poids mort pour Nanami ? Cette dernière avait l’air très sérieuse en lui disant ça.

— Je… je veux quand même venir. Je dois être là pour Haruka. J’ai l’impression de n’être qu’un boulet pour elle.

Akari releva la tête, l’air inquiête.

— Jin, c’est faux, tu le sais. Je… moi je sais que tu comptes beaucoup pour elle, et qu’elle ne te considère pas comme ça.

— …Même si tu dis vrai, Akari, je veux quand même y aller.

Nanami hocha la tête et lui offrit un grand sourire.

— D’accord, mais tu feras exactement ce que je te dirai de faire. Et puis…

Elle hésita avant de continuer, son sourire un peu plus timide.

— Je veux que tu voies ce dont je suis capable. Je veux que tu sois fier de moi.

* * *

Dehors, la pagaille reignait. Les équipes de mercenaires faisaient face à un feu nourri venant de l’extérieur. Certains tombaient sous les balles tranquilisantes utilisées par les soldates en uniforme de soubrette, mais elles n’avaient pas beaucoup de marge de manœuvre vu la configuration des lieux. Les mercenaires surveillaient bien l’endroit et seule la petite équipe de Nanami et Akari avaient pu se faufiler pour le moment.

Mais le but des domestiques n’était pas un assaut frontal, tout du moins pas encore. Leur but était surtout d’occuper les mercenaires, et d’en neutraliser seulement si une opportunité se présentait ou si leur vie était en danger.

Sur le toit du bâtiment où se trouvaient Nanami et les autres, Satoshi et Ema se tenaient debout, observant la situation.

— Ça fait bizarre de voir l’histoire en mouvement, d’être là. C’est un sentiment grisant, commenta Ema.

— Intervenir te démange, tu peux le dire.

— Hmmhmm.

— Dis-le.

— Oui, j’aimerais bien… Mais Nanami nous a fait une promesse. Et son raisonnement se tient. N’aurais-tu pas essayé de faire de même si tu le pouvais ?

— Non, je n’ai personne à sauver de la mort.

Ema continua de scruter les environs. Les deux agents temporels ne craignaient rien avec leur propre camouflage optique activé, personne ne pouvait les voir.

— Tu crois qu’on va nous sermonner ?

Ema ne semblait pas trop inquiête.

— Peut-être, mais tant que la mission est accomplie…

Elle allait continuer sa phrase, mais quelque chose attira son attention. Non pas dans le spectacle qu’elle observait, cependant.

— Satoshi, tu…

— Quelqu’un s’est introduit sur le réseau de nos linkers !

* * *

L’ascenseur du laboratoire sous-terrain descendit lentement jusqu’à arriver à sa destination.

— Pourquoi l’ascenseur descend ? Personne de la surface n’est sensé…

Les portes metalliques s’ouvrirent sur Nanami, qui offrit aux trois gardes présents dans la pièce un énorme sourire.

— Bonjour !

Dans un mouvement inhumain, Nanami fit un bond hors de l’ascenseur, leva son arme d’un coup sec et décocha une fléchette vers le type assis derrière le bureau de la réception du laboratoire,. Il tomba de sa chaise, laissant à peine à ses deux collègues se tenant debout non loin le temps de se retourner et de sortir leurs armes.

Nanami avait déjà rechargé son arme et tira une seconde fois sur l’un des hommes avant de se ruer sur le dernier pour lui asséner un coup derrière la nuque, ce qui eut pour effet de le faire s’écrouler lui aussi. Il avait sorti son arme mais avait du mal à suivre Nanami, qui avait zigzagué tout en s’approchant de lui rapidement.

Tout s’était passé en quelques secondes. L’androïde n’avait aucun mal à se déplacer bien plus rapidement que ses ennemis.

— C’était moins une.

Elle se pencha et commença à méthodiquement vider les armes à feu de leurs munitions, comme elle l’avait fait à la surface.

— Tu peux y aller, la voie est libre.

Jin descendit alors de sa cachette, depuis le toit de l’ascenseur et à l’intérieur de celui-ci.

— Je t’avais vue à l’oeuvre tout à l’heure avec un seul type, mais là ils étaient trois. C’est…

Il regarda autour de lui.

— Impressionnant.

— Peu importe leur nombre, tant que je peux esquiver. Au pire mon bouclier peut résister à quelques impacts mais moins je m’expose, mieux c’est.

— Nanami, je veux t’aider à sauver Haruka, dis-moi juste ce que je dois faire…

Jin vit que Nanami n’avait pas encore vidé une des armes et se baissa pour la prendre, mais elle l’arrêta tout de suite.

— Non ! Tu ne dois pas blesser ni tuer personne ici sauf en cas de légitime défense. S’ils te voient avec une arme ils vont paniquer et te tirer dessus. Et puis tu connais l’effet papillon, non ?

Cela l’arrêta net. Le raisonnement de Nanami faisait sens.

— D’accord. Je veux juste…

— …m’aider, j’ai bien compris. Je vais avoir une tâche pour toi tout à l’heure, quand on aura sécurisé l’endroit puis mis Haruka en sécurité dehors.

— Je ne suis jamais allé ici. Je ne connais pas les lieux.

Elle hocha la tête.

— Je sais. Mais j’ai pu récupérer les plans grâce à toi l’autre jour. Tu m’as déjà beaucoup aidé.

— La clé USB… ?

— Oui, et normalement j’ai pu m’occuper du réseau. Il me faut juste un accès physique maintenant.

Nanami s’avança d’un pas décidé vers une plaque près de l’ascenseur.

— C’est ici.

Avec ses doigts elle dévissa la plaque sans l’aide d’un tournevis et la retira. Il y avait des câbles réseau arrivant jusqu’à un dispositif. Elle commença alors à brancher un autre appareil sur un des ports libres.

— Bien, ça fonctionne. Akari, tu me reçois ?

— O-Oui ! Nanami, c’est toi ? Tu es à l’intérieur avec Jin ?

La voix d’Akari se fit alors entendre à travers Nanami. Jin comprit alors qu’elle venait d’installer un relai pour pouvoir communiquer avec la surface.

— Parfait. Tiens-moi au courant s’il se passe quelque chose en haut. Normalement j’ai tout ce dont j’ai besoin.

Elle se tourna alors vers Jin.

— Si tu veux me suivre, il va falloir faire exactement ce que je dis, et vite. Je vais faire mon possible pour te protéger aussi mais le temps nous est compté, et d’après les caméras de sécurité il y a différentes petites salles de réunion où sont retenus les ot-

Elle fut interrompue par le bruit d’une radio.

— Equipe A, au rapport.

Nanami était trop loin pour atteindre la radio et essayer de leur parler en prenant la voix d’un des hommes. N’obtenant pas de réponse immédiate, ils décidèrent d’envoyer une autre équipe voir ce qu’il se passait.

— Pffft, ils réagissent plus vite que je ne le pensais.

Elle abandonna la radio, mais il ne fallut pas longtemps pour que des renforts arrivent et que cette dernière les intercepte. Elle indiquait chaque fois à Jin où se cacher et celui-ci ne pouvait qu’écouter les cris de panique des hommes qui tentèrent de se défendre, parfois en tirant avec leurs armes.

Mais la jeune fille était bien trop rapide pour eux, et à chaque fois qu’elle en finissait avec une pièce, elle s’occupait de désarmer les assaillants. Jin pensait qu’elle perdait du temps ainsi, mais ça faisait visiblement partie de son plan de ne permettre à aucun d’eux de reprendre leur arme s’ils venaient à se réveiller.

— Ils sont bien plus nombreux que je ne le pensais.

Nanami comptait ses propres munitions. Elle les utilisait seulement lorsque sa cible était trop loin et qu’elle risquait se faire toucher. Jin trouva cela presque normal : après tout elle avait un véritable ordinateur du futur dans la tête, capable de faire des calculs extrèmement précis en un rien de temps, en prévoyant ce que vont faire ses agresseurs et en passant d’un mouvement à l’autre selon comment la situation se développait, le tout en temps réel ou presque.

Et c’était lui qui avait crée ça.

Une androïde bienveillante mais aussi une arme potentielle, vu la facilité avec laquelle elle éliminait ses cibles. Cependant, sans jamais les tuer.

Grâce aux plans et à l’accès aux caméras de sécurité, Nanami savait précisément par où passer et où étaient les membres du commando ainsi que les otages.

— Je ne vois pas Haruka sur les caméras, c’est bizarre.

— Elle est peut-être dans un angle mort ?

Nanami hocha la tête.

— Tu as sûrement raison. Toutes les pièces ne sont pas couvertes par les caméras, mais tout de même…

La progression était trop lente au goût de Jin, mais Nanami l’avait assuré plusieurs fois qu’elle savait ce qu’elle faisait, même si elle ne savait pas tout et ne pouvait pas tout prévoir. Comme cet homme qui les avait surpris en contournant l’une des pièces. Nanami ne les avait pas vu car ils ont commencé à détruire les caméras de sécurité en comprenant qu’elle y avait accès.

Jin s’était retrouvé projeté au sol par Nanami alors que celle-ci prit les deux balles qui lui étaient destinées. Puis elle neutralisa l’assaillant d’une fléchette bien placée.

— Ça va Jin ? Rien de cassé ?

— T’inquiête, ça va…

Il se releva péniblement. Nanami l’avait projeté au sol un peu trop rapidement pour le protéger.

— Désolée… heureusement on arrive aux salles de réunion où ils retiennent les otages. C’est un vrai labyrinthe ici.

Dans la salle où était retenue Shiho et d’autres scientifiques, celui qui se considérait comme le chef du commando s’énervait contre ses subordonnés.

— Comment ça plus de contact avec personne ? C’est quoi ce bordel ? Et vous avez perdu la trace de la fille ? Ou pas ? Sans elle ça sert à rien, vous connaissez les ordres.

Les deux autres dans la pièce semblaient bien embêtés.

— Oui chef, mais c’est que… elle court vite et on a entendu les appels à la radio.

— Je sais pas ce qu’ils foutent à la surface… Satanés mercenaires, des bons à rien !

Il s’énerva tout seul contre ses hommes, qui semblaient vouloir laisser passer l’orage plutôt que de se battre contre..

Les trois hommes se tournèrent vers la porte quand celle-ci s’ouvrit à l’autre bout de la salle et Nanami fit irruption dans la pièce. Elle se plaça de l’autre côté de la grande table de réunion ovale et tira d’abord un flèchette vers l’un des hommes puis une dernière vers le second. Le chef avait déjà sorti son arme

— Bordel, une gamine !?

Nanami le corrigea immédiatement

— Une androïde !

Dans la panique, personne ne percuta réellement ce que Nanami venait de dire. Elle jeta sa propre arme, vide, et alors que l’homme vida le chargeur de son arme sur elle, causant des cris de panique parmi les scientifiques assis là contre les murs. Nanami n’eut aucun mal à bouger son corps pour éviter les premiers tirs, et son bouclier arrêta le reste.

— Quoi !?

Le temps qu’il atteigne une autre arme dans son holster, Nanami bondit sur le bord de la table de réunion de toutes ses forces, ce qui eut pour effet de la soulever de l’autre côté et de percuter la machoîre de l’homme. Le violent choc le déstabilisa et il s’écroula, sonné comme un boxeur qu’on viendrait de mettre K.O.

Stupéfaits, les otages dans la pièce restèrent bouches bée.

— C’est bon Jin, le dernier est à terre.

Jin entra et scruta la pièce à la recherche de Haruka. Nanami fasait de même et s’occupait à vider les armes des derniers membres du commando.

— Jin ? C’est toi !?

Shiho tenta de se lever, les mains toujours attachées.

— Shiho ? Haruka n’est pas ici ?

— Non ! Elle a dû probablement retourner à la salle de test de son expérience, ils nous ont interrompus en plein milieu de celle-ci…

— Dans quelle salle ?

— La 405 dans l’aile Hoshino. Détachez-moi et je vous y conduis…

Nanami l’arrêta tout de suite.

— Pas besoin, je vois où c’est, on y sera en quelques minutes.

— Jin ? Qui c’est… ?

— Plus tard. Je t’expliquerai, il faut qu’on file ! Nanami !

Il se tourna vers elle. Elle avait déjà fini sa besogne et semblait prête à en découdre. Elle s’approcha de Shiho et la détacha afin qu’elle puisse s’occuper des autres otages.

— Akari ? J’ai libéré les derniers otages, ils vont remonter par le monte-charge. Comment ça se passe en surface ?

La voix d’Akari était encore empreinte d’une certaine nervosité.

— Ça se passe bien, les fusillades ont presque cessé… Les domestiques de Nishikino sont en train d’empêcher la police de rentrer pour le moment. Je ne sais pas comment elle fait ça, mais… enfin, l’important c’est que les collègues de Jin sont sains et saufs !

— Super Akari, merci.

C’est comme si Nanami discutait avec quelqu’un d’invisible, aux yeux des autres.

— Suis-moi, je te guide. Allons retrouver Haruk-

Avant qu’elle ne finisse sa phrase, une violente secousse se fit ressentir dans la pièce. Jin faillit perdre l’équilibre et se tint contre un mur d’une main.

— Qu’est-ce que c’était que ça !?

Un vent de panique s’empara de la salle. Jin avait un très mauvais préssentiment.

— Dépechons-nous Jin !

Nanami avait l’air paniquée elle aussi, ce qui ne manqua pas d’inquiêter Jin encore plus.

— J…Je vais m’occuper des autres, déclara Shiho en aidant quelqu’un d’autre à défaire ses liens.

Jin et Nanami coururent, coururent… Le chemin vers l’aile Hoshino devait prendre quelques minutes de course, en temps normal, mais une mauvaise surprise les attendait.

— Oh non…

L’atmosphère s’était réchauffée et une odeur de brûlé envahissait l’air au fur et à mesure qu’ils se rapprochaient de leur destination. Nanami devança Jin pour partir en reconnaissance, mais les deux durent s’arrêter au détour d’un couloir.

Ce dernier était en proie aux flammes .

— Jin, recule, c’est trop dangereux !

Nanami était en train de scruter le couloir. Jin s’arrêta derrière elle.

— Non, c’est pas vrai… Haruka doit être en danger là-dedans !

— Même si on éteignait le feu, je détecte des radiations plus loin, tu ne pourras pas passer…

— Nanami… ! Tu dois…

— Je sais. Je dois sauver Haruka, mais elle…

Nanami ne pouvait pas finir sa propre phrase, réalisant que Jin n’aimerait pas enendre ça.

Elle se tourna pour le regarder. Jin crut y voir un air de résignation, mais c’est tout le contraire qui était inscrit sur le visage de Nanami.

Elle secoua la tête.

— Ça va aller pour moi. Toi et Akari vous m’avez créée pour ça, pour ce moment. Je ne vous décevrai pas. Rebrousse chemin, retourne auprès des autres et aide-les à sortir. Et attends-nous avec Akari. Je trouverai un moyen, tu dois me faire confiance.

Elle essaya de le rassurer, mais Jin était en panique. Il n’était pas le seul, puisque la voix distordue d’Akari, qui avait entendu une partie de la scène seulement, se faisait entendre via Nanami.

— On est trop loin pour le relai que j’ai installé. Je n’avais pas prévu qu’Haruka se réfugierait aussi loin ni que les radiations perturberaient le signal…

Elle soupira et continua.

— Akari doit être folle d’inquiêtude. Va la rassurer Jin, elle a besoin de toi.

— Mais…

— Fais-moi confiance. ! J’ai un dernier service à te demander…

Elle attrapa le ruban rouge attachant ses cheveux et l’offrit à Jin.

— Garde ça pour moi s’il te plaît. Il va s’abimer sinon. Je reviens le chercher après.

Jin hésita, puis prit le ruban dans ses mains.

— Tu me promets que tu reviens chercher ça ?

— Oui Jin, je te le promets.

Elle hocha la tête.

— A tout à l’heure !

Jin voulut la poursuivre, mais ça aurait été du suicide. Elle disparut à travers les flammes. Il commença à tousser, et décida de repartir dans l’autre sens comme Nanami lui avait conseillé, la mort dans l’âme. Son chemin à lui pour aller aider Haruka s’arrêtait ici. Et cela le frustrait au plus haut point.

— Bon sang, je ne sers à rien !

Haruka gisait, inerte, sur le sol de la salle de contrôle. Un bruit sourd finit par lui faire ouvrir les yeux.

— H…Hein ? Merde…

Elle tenta de se relever, mais son corps se plaignait du choc qu’elle avait reçue.

— J’ai echoué… Merde.

La jeune femme voulut se diriger vers la sortie, mais vit que la porte était défoncée. Le plafond du couloir s’était effondré dessus et il n’y avait pas moyen pour elle de sortir.

— Je suis prise au piège ? Non…

Elle fut prise d’une sensation de panique, et chercha un moyen, n’importe lequel, de sortir. La porte ne voulait pas s’ouvrir, et son corps tout entier souffrait. L’atmosphère devenait également de plus en plus difficilement respirable à cause de l’incendie à l’extérieur de la pièce, ce qui n’arrangeait rien.

Haruka se mit à tousser un peu et regarda autour d’elle. Elle pouvait peut-être sortir par la vitre brisée de la salle de contrôle et attérir dans la salle principale, mais pour aller où ? Le couloir de la salle de test passait forcément devant la salle de contrôle. Sans compter qu’elle se blesserait probablement en voulant descendre.

Elle sursauta lorsque la plaque d’une grille d’aération sauta violemment et alla s’encastrer dans le mur d’en face.

— Aaah !

Haruka se retourna et vit une jeune fille aux cheveux roux s’extraire de la conduite d’aération. Celle-ci ne portait plus de vêtements, et on pouvait juste voir sa peau de métal sur tout son corps, excepté sa tête.

— Haruka !

Nanami courut vers elle, et l’inspecta.

— J’arrive tard, je suis désolée.

— Nanami ? Qu’est-ce que tu fais ici ? Comment tu es entrée ? Il y a des hommes armés et l’explosion…

Elle interrompit Haruka, hochant la tête plusieurs fois.

— Je sais, je sais tout ça. Je suis venue pour te sortir de là…

— Me sortir de… Par le conduit d’aération ? Je ne vais pas pouvoir passer là-dedans…

— Si, si, c’est possible… mais Haruka, il y a pire. La seconde salle, celle qui a explosé, dégage des radiations. Elles seront mortelles pour toi, au mieux à moyen terme. On ne peut pas passer par là. J’ai dû me séparer de mes vêtements et désactiver ma peau.

— Mais, toi tu…

— Moi ça va. Ne t’inquiête pas pour moi, je suis faite pour ça.

— Quoi ? Tu ne m’as même pas dit comment tu as pu venir ici !

Nanami commença par lui expliquer qu’elle avait neutralisé les hommes qui avaient pris le contrôle du labo, et que Jin était en train d’aider à évacuer les otages. Mais il y avait tellement de choses à lui dire, et si peu de temps…

— Haruka, écoute-moi. J’ai pour mission de te sauver, mais on a pas beaucoup de temps. Tu vas manquer d’oxygène bientôt… Mais tu dois savoir une chose : tes travaux ont permis d’inventer le voyage dans le temps et l’espace.

— Attends, quoi ? C’est quoi cette… Le voyage dans le temps ? C’est une blague Nanami ? Je ne travaille pas sur…

Puis elle commença à réaliser où Nanami voulait en venir.

— Je viens du futur. C’est Jin et Akari qui m’ont construite et m’ont renvoyée dans le passé pour faire en sorte que tu survives.

Nanami attrapa Haruka pour la tenir là, face à elle, par les épaules.

— J’ai une idée, mais je vais avoir besoin de ton aide. Tu veux bien me donner ton poignet ?

Haruka hésita. Malgré son intelligence, elle n’arrivait pas encore à comprendre ce que Nanami voulait faire.

Elle retroussa tout de même sa manche.

* * *

Akari était blanche comme un linge. Sur son écran, le spectre audio sensé donner une visualisation de la voix de son interlocutrice était désespérément plat.

— Nanami, tu m’entends ? Nanami !

Elle réessayait régulièrement de l’appeler, mais l’androïde ne répondait pas. L’écran avait beau afficher que la connexion était perdue, Akari essayait quand même.

— Akari !

Elle releva la tête, c’était Jin, seul. Lui aussi était en proie à la panique.

— Dis-moi que tu as des nouvelles de Nanami !

— Dis-moi que tu as des nouvelles de Nanami !

Ils lâchèrent leur demande en même temps. Akari secoua la tête la première.

— N…Non, elle ne répond pas… Je voulais lui dire que la situation était sous contrôle ici, mais… Tes collègues ont tous été secourus et accompagnés à l’extérieur. Et toi ? J’ai perdu contact avec Nanami peu après que vous ayez été séparés.

— J’ai aidé les collègues de Haruka à sortir également… J’ai croisé un groupe de domestiques qui était en train d’emmener les hommes qui ont attaqué l’entreprise, mais pas Nanami. Elle doit être toujours en bas.

Il grinça des dents.

— Elle m’a juste laissé son ruban.

Jin lui montra le ruban rouge.

— Haruka lui avait offert…

Akari le prit dans ses mains, pusi les serra. Haruka était en danger, mais lui comme elle ne pouvait rien faire pour l’aider. La jeune sœur Ayase comprenait bien cette frustration, et se leva de son siège pour venir se blottir contre Jin. Elle n’aurait jamais fait ça en temps normal, mais pour le moment, c’était la seule chose qu’elle voulait faire, comme pour se rassurer. Le visage presse contre le torse de Jin, elle resta là, immobile.

Il crut bien qu’elle allait se mettre à pleurer.

— Akari…

— C’est la seule famille que j’ai, Jin.

Sa voix tremblait.

— C’est la seule famille qu’il me reste. Même si tu es là, même si Nanami est là, c’est ma sœur…

— Je sais, Akari, je sais…

Jin soupira et voulut la serrer contre lui. Il ferma les yeux également, même si les tremblements de son corps trahissaient son état de nervosité. Il voulait se montrer fort pour elle. Fort pour eux deux.

Ils restèrent ainsi pendant de longues minutes, avec les deux domestiques armées qui gardèrent un œil silencieusement sur ces deux-là.

— …ari… re… ?

Du bruit statique et des bribes de voix se faisaient entendre dans l’oreillette d’Akari. Cela la fit sursauter, et elle prit une grande inspiration avant de relever la tête.

— Nanami ? Nanami !?

Elle tenait son oreillette d’une main comme pour essayer de presser son oreille contre l’écouteur, comme pour tenter d’entendre mieux.

C’était bien la voix de Nanami, mais elle était gênée par des parasites audio.

— Je t’entends ! Je t’entends !

Le coeur de Jin menaçait de lâcher à tout moment. Seule Akari pouvait entendre l’androïde.

— Ah, on dirait que ça capte de nouveau correctement. Je remonte.

— Tu remontes ? Et Haruka ?

En entendant qu’elle allait remonter, Jin n’essaya même pas d’en savoir plus, il se tourna vers la sortie du hall et accourut vers l’ascenseur principal, suivi de près par Akari.

Lorsque la porte principale s’ouvrit et que Nanami en sortit, Jin vit son monde s’arrêter soudainement.

Nanami était seule.

— Nanami ! T…où est Haruka ?

— Haruka est…

Elle eut à peine le temps de répondre que Ema et Satoshi, qui attendaient non loin, s’approchèrent.

— Nanami Andô, tu es en état d’arrestation pour destruction de matériel, voyage illégal à travers le temps et altérations mineures du temps.

Ils avaient leur arme en main et tenaient Nanami en joue. Celle-ci ne broncha néanmoins pas et ne semblait pas alarmée. Elle ne fit cependant aucun mouvement brusque.

— Je n’ai pas oublié tout ça.

Elle leur présenta ses poignets

— Je suis prête à payer pour mes crimes.

Nanami semblait calme malgré ce qu’il se passait.

— Attendez ! Nanami ! Où est Haruka ? Qu’est-ce que…

Elle se tourna vers Jin.

— Jin, écoute…

Il ne lui laissa même pas le temps de répondre. Son regard en disait suffisament.

— Tu n’as pas réussi.

— Jin…

Akari frissona, elle ne savait pas quoi penser ni faire. Son monde était en train de basculer. Elle s’avança, la voix tremblante. Ses jambes tremblaient et elle se força à rester debout.

— E…Et toi Nanami tu nous quittes comme ça ? Même si ma sœur…

Ema lui passa les menottes.

— Akari, je ne peux pas vous en dire davantage…

Aucun autre mot d’excuse… Nanami n’avait même pas l’air désolée de ce qui arrivait, alors même que Jin bouillonnait de l’intérieur. Elle évitait juste de regarder Jine t Akari en face.

— Non tu ne t’en vas pas ! Pas comme ça ! Je refuse !

Akari essaya de garder les pieds sur terre et retint Jin. Ema commença à emmener Nanami mais quelque chose fit alors sursauter Akari.

— N…Nanami, attends, tu oublies ça !

Satoshi essayait de retenir Jin, qui voulut les empêcher d’emmener leur criminelle. Lui et Ema étaient venus pour cela après tout. Akari put passer outre Satoshi et rattraper Nanami.

— Je… je vais te le remettre…

Elle prit le ruban de sa poche et le noua dans les cheveux de Nanami.

— Oh, Akari…

— V…Voilà.

Sans qu’elle ne le sache, Akari avait reproduit les gestes que sa grande sœur avait effectués lorsqu’elle avait donné ce ruban rouge pourtant si ordinaire à Nanami. Mais cette dernière y tenait beaucoup.

Akari était au bord des larmes, non seulement elle venait de perdre sa sœur, mais elle allait aussi perdre une de ses amies. Derrière elle, Jin criait et se débattait contre Satoshi, qui ne pouvait pas le retenir lui et Akari. Mais cette dernière sembalit moins desespérée que Jin. Ema resta néanmoins sur ses gardes et observa la jeune sœur Ayase.

— Même si ça fait pas longtemps, je… je suis ravie de t’avoir rencontrée Nanami. Je trouverai une excuse pour la classe…

— Merci Akari… Je suis ravie d’avoir une créatrice comme toi.

— Oh je…

Akari ne savait plus où se mettre, et détourna le regard. Puis elle jete un œil vers Ema, qui les observait faire leurs adieux depuis tout à l’heure.

— Qu’est-ce qui va lui arriver ?

Ema se tourna alors vers Akari.

— Elle sera emprisonnée et jugée. Pour le reste, je ne sais pas, je ne suis pas celle qui décidera de son sort.

— Je… Je comprends.

Akari avait l’air résignée

— Nanam-

Jin s’écroula alors contre Satoshi, qui avait utilisé son arme pour calmer celui-ci.

Akari se retourna d’effroi.

— Je l’ai juste endormi, il était intenable.

Ema soupira alors.

— J’imagine qu’il est préférable que nous vous raménions chez vous, au moins. Tu peux aller chercher le véhicule, Satoshi ?

— Ouais, tu as raison…

Pour ne rien arranger, les sirènes de police commençaient à se faire entendre. Les forces de l’ordre allaient bientôt envahir l’endroit.

— On dirait que la diversion de votre petite armée est finie.

L’agente temporelle s’approcha de Jin et le souleva sans peine, comme s’il s’agissait d’un vulgaire sac. Akari eut du mal à croire, mais Ema n’avait visiblement aucun souci à porter Jin par-dessus son épaule malgré sa plus petite taille. Avec l’aide des domestiques de Nishikino et des deux agents, Akari et Jin purent sortir sans attirer l’attention de la police.

* * *

Ema et Satoshi déposèrent Akari et Jin chez lui. Ema déposa Jin dasn son canapé et indiqué à Akari qu’il devrait se réveiller d’ici quelques heures.

Puis elle partit. Avec son collègue, et plus important encore, avec Nanami.

Elle n’avait pas pu dire au revoir à sa sœur, mais le fait d’avoir vu Nanami partir sans réellement lui dire au revoir correctement la minait encore plus.

Lorsque Jin se réveilla il avait mal partout.

— Aaaah !

Il regarda autour de lui, et vit Akari à moitié allongée dans le fauteuil près du canapé, les yeux rouges. Elle leva les yeux vers lui.

— Jin, tu es… reveillé.

Elle était exténuée d’avoir pleuré pendant que Jin était encore dans les vappes.

— Akari ! Est-ce que… ils sont partis ?

La jeune fille hocha la tête en silence. En réponse, Jin baissa la sienne.

— J’y crois pas… Elle… Nanami est partie comme ça.

— Elle a commis des crimes Jin…

— Tout ça pour quoi ? Pour rien ! Haruka est morte ! Elle n’a même pas voulu me dire quoi que ce soit sur ce qu’il s’est passé.

— Jin, calme-toi !

— Comment tu veux que je me calme !? La femme que j’aime, ta sœur… elle est partie !

Il essaya de se lever, mais son corps tout entier lui fit comprendre que c’était une mauvaise idée. Akari grimaça en le voyant soufrir.

— Aie…

— Jin, écoute-moi.

Elle s’approcha.

— J’ai vu… quelque chose avant que Nanami ne parte. Tu n’as rien remarqué ?

Jin releva la tête.

— Quoi ?

— Dans le dos de Nanami… Gravé sur son métal… Il y avait les lettres J, A…

Elle prit sa respiration et soupira.

— …et H.

— H ? H comme…

— Comme Haruka, oui.

Akari arborait un léger sourire. Ce n’est pas qu’elle était soulagée, mais… c’était comme si un léger espoir vivotait en elle. Elle vit Jin reprendre des couleurs, comme si la même chose lui était arrivée.

— Attends, Akari, ça ne veut rien dire…

— Mais il n’y avait que J et A avant.

— …Oui, mais… Enfin il me semble. Je n’en suis plus si sûr maintenant…

— Ca veut dire que le temps a été altéré ! Il s’est clairement passé quelque chose en bas. Nanami n’a pas voulu tout nous dire…

— …parce qu’elle ne le pouvait pas !

Jin serra ses poings.

— Sûrement parce qu’elle se faisait arrêter, elle n’allait pas… mais non, non, c’est idiot Akari. On ne peut pas.. Si ça se trouve c’est nous, dans le futur, qui ajoutons le nom de Haruka dans le dos de Nanami…

Akari s’était peut-être rattachée à un faux espoir. Son visage blanchit à vue d’oeil.

— Non, non, attends, on peut pas… Tu peux pas dire ça ! Quand j’ai vu son dos je me suis dit que c’était forcément un signe, et toi tu… toi tu balayes ça comme si…

Sa voix tremblait de nouveau et elle voulut continuer, quand la sonnette de l’entrée retentit.

— Comme si tu avais déjà abandonné.

C’en était trop pour Jin. Assis dans son canapé, il leva violemment son pied et retourna la table basse devant lui. Fort heureusement il n’y avait rien dessus à part des magazines et des télécommandes. Il regretta instantanément, non pas parce qu’il fallait ensuite ranger et que cette pauvre table basse n’y était pour rien, mais bien parce que son corps tout entier lui faisait encore mal. Peut-être que Satoshi y était allé un peu fort.

— Akari ! Comment tu peux dire ça, j’ai tout essayé ! Je voulais suivre Nanami jusqu’à elle mais c’était impossible, je serais mort… Je me demande même si Haruka n’était pas déjà morte quand Nanami est arrivée. Elle est revenue bien trop rapidement… Bon sang !

Akari sursauta et prit encore plus peur lorsque Jin s’avança vers elle.

— Tu crois quoi, que je voulais pas la sauver ? J’en ai marre d’être aussi inutile ! Marre !

Il baissa la tête. Jin avait honte de lui-même.

— Jin… je suis désolée, je… je voulais pas dire ça.

Il serra les poings. Jin avait juste envie de cogner quelque chose, de laisser échapper sa rage.

— Quel gâchis…

— Hein ?

— On va passer une partie de notre vie à construire Nanami, quitte à jetter tout le reste, et pour quel résultat ? Pour un échec.

Akari soupira, et s’approcha de Jin pour l’enlacer. L’adolescente blottit son visage conter son torse. Il fallait lui faire chagner de sujet, et Akari avait d’autres inquiétudes.

— Jin… J’ai plus… j’ai plus que toi maintenant, alors ne me laisse pas, s’il te plait.

Jin releva la tête. Il pensait qu’il était le seul à plaindre dans cette histoire, mais Akari… Haruka était la seule famille qui lui restait. Il ne s’était pas rendu compte qu’elle aussi souffrait et avait ses propres problèmes.

Ils restère ainsi quelques minutes, l’un contre l’autre.

— Tu peux pleurer si tu veux Akari…

— Je…je sais. Mais… On doit réessayer… Maintenant qu’on sait ce qu’on sait, on peut peut-être… réessayer ?

Quelque chose en elle ne voulait pas lâcher prise. Peut-être plus que Jin encore, Akari était encore dans cette phase de déni.

Le temps s’était arrêté et on entendait que le bruit de leur respiration. Le téléphone d’Akari vibrait sur le meuble de la télévision avec de nouveaux messages l’attendant, mais elle n’avait pas envie d’y répondre. C’était probablement ses camarades de classe essayant de la joindre, pensa-t-elle, mais elle avait laissé son appareil sur silencieux durant les évènements d’aujourd’hui.

Jin et Akari se repoussèrent mutuellement et se regardèrent.

— Désolé, Akari… il va falloir qu’on soit forts tous les deux. Forts pour affronter les jours qui vont suivre… et aussi pour commencer nos travaux sur Nanami V2.

Cela surprit l’adolescente, mais elle laissa échapper un petit sanglot.

— Oh Jin ! On va y arriver, j’en suis sûre.

Il hocha la tête, et se reposa de novueau dans le canapé. Akari resta contrel ui un moment, sans rien dire.

* * *

Dans les jours qui suivirent, plusieurs choses se passèrent.

La police ne vint même pas déranger Jin et Akari. Ils reçurent un message de Mizuho Nishikino leur indiquant qu’elle s’était occupée de tout pour qu’ils puissent faire leur deuil dans de bonnes conditions, et que cela faisait partie des demandes de Nanami. Elle révéla que cette dernière avait prévu plusieurs plans selon ce qu’il pouvait se passer. Mizuho, avec l’influence de sa famille, avait pour consigne de les executer. Elle devait bien cela à Nanami.

Jin s’attendait à ce que les médias soient tenus à l’écart, mais il n’en était rien. Il ne savait pas quelle influence Mizuho avait eu là-dedans, mais l’attaque fut décrite comme ceci : des mercenaires avaient été embauchés par une enterprise étrangère pour effectuer un vol industriel des recherches de la societé N.S. La nature exacte des recherches n’avait pas été révêlée, ce qui entraîna rumeurs et spéculations de la part du public. Les théories les plus folles parlaient plutôt d’une arme biologique que de téléportation, tandis que d’autres s’imaginaient une nouvelle source d’énergie révoltuionnaire, pour qu’une telle attaque soit justifiée. Cela fit du bruit à l’international, et de nombreux pays dénoncèrent cette attaque, pour certains vue comme terroriste alors même que le Japon refusait de dire qui en était à l’origine. Le savaient-ils seulement ?

La seule victime de l’attaque était une jeune employée de l’équipe scientifique nommée Haruka Ayase.

Au début, Akari voulait écouter ces nouvelles en boucle. Elle voulait s’informer, guetter le moindre indice sur un évènement qu’elle avait presque vécu de l’intérieur. Elle voulait noter les différences entre ce qu’il s’était réellement passé et ce que les médias rapportaient. Mais Jin finit par l’en dissuader. Il la fit l’aider à préparer les obsèques de sa sœur, plutôt.

Des obsèques sans corps.

Ce jour-là, il faisait beau. Le soleil était de la partie et il faisait bon, malgré cette période de l’année. Jin vit plus de monde qu’il n’imaginait. Les hommes étaient en costumes et cravates noirs, et les femmes dans des robes aux tons similaires. Lorsque Mizuho arriva sur place, même sa domestique Maho portait une robe et un tablier noir en lieu et place de son uniforme habituel.

— Toutes mes condoléances, Akari, M. Ichinose.

Jin et Akari se tenaient côte à côte. Cette dernière avait défait sa traditionnelle queue de cheval pour laisser retomber ses cheveux, comme sa sœur.

— Merci, présidente…

— Tu peux m’appeler Mizuho, Akari. Je ne suis pas la présidente du conseil des élèves de l’école ici. Je suis venue me receuillir, et aussi honorer la promesse que j’ai faite à Nanami. Je vais continuer à tenir la presse à scandale à l’écart de votre maison encore quelques temps. Ils devraient se lasser au bout d’un moment.

Jin prit la parole.

— Merci… C’est donc toi qui a repoussé l’attaque ce jour-là.

— Moi ? Je n’ai rien fait. Officiellement en tous cas. J’ai juste décidé que mes équipes d’intervention avaient besoin d’un peu d’entraînement. Etrangement, elles se sont retrouvées mêlées à ça. Une étrange coincidence, n’est-ce pas ?

Jin et Akari se regardèrent, et ne savait pas vraiment comment le prendre. Voyant leur déroute, Mizuho se corrigea.

— Pardon, je ne devrais pas plaisanter un jour pareil. Mais Nanami a réellement fait beaucoup pour l’école. Je suis navrée qu’elle soit partie elle aussi. Elle m’avait bien expliqué qu’elle ne pouvait pas rester, peu importe l’issue de cette journée.

Akari soupira.

— Elle va nous manquer elle aussi.

— Je vais vous laisser pour le moment, vous avez sans doute beaucoup de gens à voir.

A vrai dire, à part les collègues et les voisins de Jin et Haruka, il n’y avait pas tant de omnde que ça, une trentaine de personnes tout au plus. Satsuki était venue elle aussi, et ne savait pas si elle devait rester proche d’Akari ou lui laisse de la place poru respirer. Sa colocataire n’était pas douée pour les funérailles.

La photo de Haruka posée au dessus du cerceuil était entourée de fleurs déposée par les visiteurs venus lui rendre hommage.

C’était au tour de Masaru et de Shiho de venir se receuillir. Ils se tournèrent vers Jin.

— Ça va, Jin, tu tiens le coup ?

Shiho détourna le regard quand celui de Jin croisa le sien. Elle se sentait coupable de ne pas avoir retenu Haruka. Mais la vérité, c’était que Jin ne lui en voulait pas. Si Haruka n’avait pas tenté d’arrêter le test, qui sait ce qu’il se serait passé. Impossible à dire. A la place, Shiho posa ses yeux sur Akari.

— Je… suis désolée.

Elle voulut s’en aller, mais Akari lui attrapa le bras, surprenant Jin et Masaru qui discutaient à voix basse à côté.

— Non, Shiho, c’est ça ? Ma sœur me parlait souvent de vous. Merci d’avoir été là pour elle.

La voix d’Akari tremblait quelque peu, trahissant sa tristesse. Elle échangea quelques mots avec Shiho, ce qui permit à Masaru de parler à Jin un peu plus en privé.

— Mec, tu as remarqué la nana là-bas ?

Jin suivit le regard de son collègue, vers une femme blonde portant des lunettes de soleil dans le fon de la salle.

— C’est pas une des pontes de la boîte ? Je t’avoue que je n’ai pas fait attention à tout le monde.

— Non vieux, je pense pas. Elle est arrivée un peu en retard, mais une beauté pareille, je l’aurais forcément déjà remarquée sur l’organigramme. Tu parles, les plus gros pontes de la boîte sont pas là. Ils auraient quand même pu faire le déplacement pour l’une de leurs employées.

Jin scruta l’ensemble des personnes présentes, et à part quelques collègues à Haruka et lui, il n’y avait en effet aucun chef haut placé dans la hiérarchie de la societé.

— Je m’en fous, je démissionnerai demain de toutes façons.

Masaru se ressaisit aussitôt et arrêta de regarder la femme blonde qui l’intriguait.

— T’es sûr de ton coup ?

— Ouais. Je peux pas rester au sein de la boîte avec ce qu’il s’est passé.

Son ami soupira.

— Je comprends. Ça va être compliqué sans toi, mais je respecte ça.

— Merci.

— De toutes façons, je ne sais pas si al boîte va se relever de ça. L’action en bourse a déjà bien dégringolé…

Jin ne s’attendait pas à autant de prévoyance de la part de Masaru, qui passait plutôt sont emps à blaguer et courir après les jupons. Mais il savait se tenir parfois. Jin écouta néanmoins Masaru lui expliquer la situation. Cela ne faisait que 2 jours que Haruka avait disparu suite à l’attaque du laboratoire, et Jin s’était un peu coupé du monde pendant ce temps-là.

Il n’y avait pas de corps à incinérer, du coup pas de cendres à disperser ou enterrer, mais Akari avait demandé à ce que le nom d’Haruka soit quand même gravé sur la pierre tombale familiale. Elle et Jin restèrent un moment devant, comme cet été lorsqu’ils s’y sont receuillis.

— Je pensais pas que j’allais devoir y ajouter le nom de ma sœur. J’avais toujours laissé Haruka s’occuper de tout, elle était si… adulte, bien plus que moi.

Jin se voulut rassurant.

— Je trouve que tu te débrouilles bien. Mieux que moi ces derniers jours en tous cas.

— Je ne sais pas trop… Enfin, même si elle est partie, on a du pain sur la planche, non ?

Il hocha la tête.

— Ouais… Je ne sais pas comment on va s’y prendre encore. Déjà je dois retrouver un job qui va payer les factures. Sans le salaire de Haruka, ça va être compliqué.

Une voix l’interrompit. Elle se situait derrière. Jin et Akari se retournèrent et virent la femme blonde que Jin avait repéré tout à l’heure. Elle retira ses lunettes de soleil pour évéler ses yeux bleus. Une étrangère ? Qu’est-ce qu’elle faisait ici ?

— Pardon mais je n’ai aucun commentaire à faire à la presse.

Jin se plaça entre elle et Akari, comme pour la protéger.

— Vous me voyez avec une caméra ? Allons, Jin, un peu de jugeotte.

Elle semblait assez familière vis-à-vis de lui, mais avant qu’il ne puisse répondre, elle sortit un badge de sa veste noire. Elle l’ouvrit devant eux.

— Je travaille pour le gouvernement, voudriez-vous bien me suivre ? Il ne va rien vous arriver de mal, et à vrai dire, on a pas de questions à vous poser. Par contre, vous en aurez certainement.

Elle leur sourit, mais Jin sembla toujours aussi perplexe.

— Jin…

Akari le contourna pour s’avancer.

— Où va-t-on ?

— Toujours aussi curieuse à ce que je vois.

Elle fit un signe de la main comme pour les inviter à la suivre, et tourna les talons, les amenant à une voiture garée près du cimetière.

* * *

Le voyage fut pesant et silencieux. Chaque fois que Jin essayait de poser une question, la jeune femme qui conduisait le véhicule répondait de façon cryptique, ou refusait carrément de satisfaire leur curiosité.

Après une bonne demi-heure de trajet, la voiture rentra dans le parking souterrain d’un bâtiment. Une barrière se leva pour les laisser passer lorsque la femme tourna sa tête pour regarder la caméra sur le côté.

— Est-ce qu’on va enfin savoir où on est maintenant ?

— Hmmm, peut-être, mais je ne suis pas celle qui sera autorisée à vous le révéler. J’ai mes ordres même si votre présence ici est de mon initiative.

Elle gara la voiture a sa place et mena Jin jusqu’à un ascenseur. Au lieu de monter cependant, celui-ci descendit lorsque la femme regarda de nouveau une caméra à l’intérieur de la cabine d’ascenseur.

Durant la descente, Jin se sentit mal l’espace d’un isntant, mais cette sensation de gêne disparu aussitôt. Il vit Akari pâlir quelque peu,a vant de retrouver des couleurs imémdiatement.

Lorsque l’ascenseur s’arrêta, la femme blonde en sortit et vérifia que Jin et Haruka la suivirent. Des gens allaient et venaient et la réceptionniste semblait occupée à discuter avec un de ses collègues. Ou bien était-il en train de lui faire du charme…

La femme qui menait Akari et Jin parla dans le vide.

— On est rentrés, chef. Je les amène en salle de transfert.

Akari et Jin ne comprirent pas aussitôt mais la suivirent à travers les couloirs.

— Vous allez nous dire où on est à la fin ?

Jin était un peu remonté, mais il comprenait bien qu’il n’était pas là pour plaisanter et que cette femme était peut-être dangereuse. Au moins elle avait attendu la fin des obsèques pour venir leur parler et les amener ici.

— Jin, attends…

Akari essaya de le calmer. Elle se mit à douter de quelque chose, et attrapa la manche de Jin pour lui intimer l’ordre silencieux de se calmer. Cela sembla fonctionner, puisqu’il n’insista pas lorsque la femme l’ignora.

— Dites, j’aimerais bien savoir… On sort des funérailles de ma compagne, je n’ai pas vraiment la tête à plaisanter. Où sommes-nous ?

Mais une autre voix lui répondit. Une femme plus âgée, avec les cheveux attachés derrière la tête les attendait à l’intérieur de la pièce où ils venaient de s’engouffrer. La pièce était circulaire, grande, mais plutôt vide à part quelques ordinateurs et panneaux de contrôle disposés en cercle.

— Vous êtes dans un endroit inconnu de tous, où le temps ne s’écoule pas à la même vitesse qu’en dehors. Vous l’avez probablement ressenti dans l’ascenseur, n’est-ce pas ?

Jin regarda la femme qui leur parlait, mais il n’arrivait pas à assimiler ce que cela voulait dire.

— Pardon ?

— Vous êtes au Département de Défense des Paradoxes Temporels et je suis Ami Arakawa, je dirige cette branche. L’espace d’un isntant, votre corps a dû s’habituer à la façon dont le temps s’écoule ici. Ne me dis pas que tu ne leur a pas expliqué ?

Elle se tourna vers la blonde qui se gratta la tête, l’air gênée.

— C’est qu’on emmène pas beaucoup de visiteurs ici alors, j’ai… oublié ?

— Toi alors…

Akari les interrompit.

— Attendez, vous êtes… la police temporelle, ou quelque chose comme ça ? Les deux agents qui sont venus pour récupérer Nanami, c’était vous ?

— En effet. Mais ils sont venus d’une période où nous n’existions pas encore. Après qu’ils soient rentrés en ayant accompli leur mission, nous avons décidé d’établir des branches à différentes époques et lieux. Et c’est tout ce que vous apprendrez aujourd’hui. Quant à elle…

Elle jete un œil vers la jeune femme blonde.

— Elle qui nous a causé tant de soucis par le passé, maintenant elle se permet de faire des caprices. Même si cette mission a été validée en haut-lieu tu aurais quand même pu te présenter avant de nous les amener.

La jeune femme éclata de rire, puis elle se tourna vers Akari et Jin.

— Je me demandais si vous alliez comprendre.

Elle sortit sortit quelque chose de sa poche. Elle attrapa ses cheveux de l’autre main et les serra à la base de sa tête pour en faire une queue de cheval grâce au ruban rouge qu’elle avait entre les mains.

Jin et Akari mirent quelques secondes à cogiter, avant de s’exclamer.

— NANAMI !?

Nanami, mais blonde, gloussa après avoir mis en place son ruban.

— Héhé.

* * *

Quelques jours plus tôt pour Jin et Akari…

Nanami mis son bracelet au poignet de Haruka. Celle-ci dévisagea l’androïde.

— Attends, c’est… ta montre ?

— Ce n’est pas une montre.

Nanami continua de lui parler tout en configurant le bracelet avec son doigt.

— C’est un dispositif de traçage pour revenir d’où l’on vient lorsque l’on voyage dans le temps. Enfin, j’avais fait en sorte qu’on ne me suive pas. Je le calibre pour toi, Haruka. Si ça fonctionne… non, ça va fonctionner… ce bracelet temporel me permettra de te retrouver.

Haruka suivait le doigt de Nanami sur l’engin, puis releva la tête.

Elle avait compris.

— C’est complètement dingue.

Elle éclata de rire. Un rire presque fou.

— Tu veux… tu veux m’envoyer dans le temps via ma machine ? Mais la liaision avec l’autre est coupée, c’est qu’un prototype de téléportation, ça ne peut pas voyager dans le temps…

L’androïde lui sourit alors.

— Le voyage dans le temps et la téléportation sont liés. Tes recherches ont permis d’initier celles du voyage temporel, Haruka.

— Mais je vais forcément mourir si tu essayes de me transférer dans le vide ! C’est du suicide.

Elle secoua la tête.

— Non, tu seras juste dans une forme de stase, dans ce qu’on appelle « L’espace Haruka » Oui, ça a été nommé d’après ton nom. Parce que tout ce qui s’y trouve ne fait que transiter d’un espace à l’autre. C’est un endroit où même la quatrième dimension, le temps, n’a aucun effet. Par contre, si on y reste, c’est pour l’éternité.

— …sauf si j’ai ça ?

Haruka pointa du doigt le bracelet qu’elle avait autour du poignet. Nanami avait fini de le configurer et le relâcha doucement.

Nanami soupira, et eut l’air un peu triste.

— …Je l’espère. Je ne peux pas être sûre à 100 %. Le plan initial était de te sortir ici, mais tu mourras de toutes façons si tu traverses les radiations sans protection. J’ai pensé à… plein de choses, comme te numériser et te transporter dans ma mémoire, mais ça impliquerait d’avoir suffisament de place pour te stocker en moi. Et il aurait fallu un autre type de machine que celui-là… En bref, c’est le seul plan qui tient la route.

— …D’accord.

Haruka se résigna.

— Tu viendras me chercher, hein ? Là où je serai.

— Je viendrai. Je te le promets. Jin et Akari m’ont faite pour ça.

Elle lui offrit son plus beau sourire. La scientifique prit Nanami dans ses bras en réponse.

— Ne tarde pas trop. J’ai peur de m’ennuyer là-dedans.

Nanami gloussa, puis se releva tout en aidant Haruka à le faire aussi. Haruka toussa. L’air devenait de plus en plus irrespirable à cause de l’incendie.

— Allez, ne perdons pas plus de temps.

Nanami transporta Haruka jusque dans la machine. Elle la fit rentrer à l’intérieur, puis retourna au centre de contrôle en escalandant la paroi jusqu’à la vitre brisée. De là, elle pu lancer la machine et envoyer Haruka là où elle serait sauve.

D’un coup d’oeil, elle vit que Haruka avait bien disparu de l’intérieur de la machine.

— Bien, maintenant, deuxième mission.

Elle se brancha alors sur l’ordinateur sur lequel elle était déjà.

* * *

De retour au présent…

— …Mais… Comment ? Qu’est-ce qui t’es… pourquoi t’es blonde !?

Akari avait du mal à comprendre ce que la jeune femme se réclamant être Nanami leur racontait.

— Ah ça, c’est mon nouveau corps. Celui que vous aviez construit était trop endommagé. J’ai fini par l’user tellement, on aurait dit une mamie ! J’ai donc transféré ma conscience dans un corps d’androïde tout neuf. Mais je vous rassure, je suis toujours la même.

L’esprit de Jin avait visiblement planté. Il regardait Nanami comme si c’était un fantôme.

— Mais ton badge tout à l’heure… Et… et tout ça ?

Il fit un geste pour montrer la salle dans laquelle ils étaient. Les techniciens présents regardaient la scène avec curiosité mais n’intervenaient pas.

— Oh, ça ? Normalement je n’étais pas censée le sortir aujourd’hui mais je voulais que vous soyez fiers de moi.

Elle baissa un peu la tête, gênée, puis leur sourit.

— Je suis le Major Nanami Ando, du Département de Défense des Paradoxes Temporels. J’ai purgé ma peine en travaillant dur, et j’ai gravi les échelons en réalisant de nombreuses missions. Lorsque j’ai eu la possibilité d’être entendue par les instances dirigeantes, j’ai émis le souhait de tenir la promesse que je vous avais faite.

Jin avait toujours du mal à comprendre ça. Tellement qu’il avait complètement zappé cette histoire de promesse.

— Nanami, tu… tu es… woah. C’est vraiment…

Elle lui adressa un sourire narquois.

— Oh, je suis plus à ton goût comme ça Jin ? C’est vrai que tu aimes bien les femmes plus en formes comme ça non ?

Nanami semblait bien s’amuser malgré la situation de détresse des deux autres. Jin essayait juste de trouver les bons mots.

— Quoi ? N…Non ! Ça va pas ?

Akari donna un léger coup de coude à Jin.

— Hé !

Nanami, quant à elle, rit. Ce n’était plus sa voix d’adolescente, mais il n’y avait aucun doute, dans son comportement, sa façon de s’exprimer… c’était bien elle.

— J’ai vraiment, vraiment attendu ce jour avec impatience.

Elle prit sa respiration et se tourna vers sa chef.

— Tout est prêt, Colonel Arakawa ?

— Tout est prêt, Major Ando.

— Bien…

Elle se tourna vers les techniciens qui attendaient là.

— On peut y aller.

Elle n’était pas sûre et certaine que ça allait marcher, mais tout portait à croire, d’après d’autres expériences, que ça allait fonctionner.

L’un des techniciens entra la fréquence temporelle du bracelet qu’elle avait confié à Haruka, et appuya sur la touche entrée du clavier. Un vrombissement se fit entendre et les lumières au plafond, au centre de la pièce, s’illuminèrent en un faisceau lumineux qui faisait environ la moitié du diamètre de la pièce. Jin et Akari restèrent plantés là, à observer ce qui semblait être un système de téléportation au centre de la pièce. Cela prenait beaucoup de temps. Trop pour Jin.

— Nanami, qu’est-ce qui se passe ?

Il semblait inquiêt. Nanami, en guise de réponse, lui sourit.

— Encore un peu de patience Jin.

L’opération ne dura qu’une trentaine de secondes. Pourtant, cela sembla bien plus long pour les gens présents dans la pièce. Le vrombissement finit par baisser et le tout s’arrêta alors.

Et au centre la pièce, gisait le corps de Haruka.

Sans réaction de sa part. C’est le colonel Arakawa qui parla en premier, probablement à quelqu’un dans son linker.

— Amenez l’équipe médicale !

Trois médecins, à en juger par leur accoutrement blanc, arrivèrent quelques secondes plus tard, comme s’ils avaient déjà été prêts à intervenir au cas où.

Jin et Akari étaient tétanisés. Pourquoi les amener ici si ça devait échouer maintenant ? Est-ce que Haruka était seulement encore en vie ? Avait-elle survécu ce voyage ? C’était si irréel…

Mais au moment où les trois médecins s’approchèrent, Haruka se releva en position assise d’un bond et attrapa sa gorge d’une main, comme si elle avait du mal à respirer

— Aaaah ! Je…

Elle regarda rapidement autour d’elle. Tout le monde était figé sur place en la voyant réagir ainsi. Ses yeux se posèrent alors sur Jin et Akari. Il avait les genoux qui tremblaient, et Akari, elle, serrait le bras de Jin tellement fort qu’il crut qu’elle allait lui arracher.

— Pourquoi vous êtes habillés en noir, vous revenez d’un enterrement ?

Ces deux-là ne savaient pas quoi répondre. C’est Nanami qui brisa le silence en gloussant, avant de sourire chaleureusement aux trois civils présents dans la pièce.

— Mission accomplie !

* * *

Ce qui suivit fut parsemé de longues embrassades et de pleurs, et pas seulement de la part de Jin et Akari. Haruka était elle aussi sonnée par l’expérience. Elle n’avait pas cru à la promesse de Nanami qu’elle la ferait sortir du piège mortel dans lequel elle s’était fourrée. Et pourtant…

— J…Je suis désolée Jin, je suis tellement désolée…

— Non… non c’est rien, tu es là, tu es en vie…

Akari pleurait et se cramponnait à sa sœur. Haruka avait été emmenée jusqu’à ce qui ressemblait une chambre d’hopital. Elle était encore un peu faible après son réveil, mais Nanami tenta d’expliquer ce qu’il s’était passé. Elle avait donné une explication sommaire aux autres de ce qu’elle savait de l’espace H. Haruka allait devoir rester en observation au moins une journée, voire deux. C’était la première fois qu’une telle expérience était menée après tout.

— Il est important de préciser que, normalement, on est pas censés stagner dans cet espace. Le temps ne s’y écoule pas, mais ça ne veut pas dire qu’il ne peut pas y avoir de dommages potentiels sur un être vivant. Si jamais vous constatez quoi que ce soit, je vous laisse un numéro sur lequel vous pourrez joindre un de nos agents situé à cette époque.

Elle glissa un bout de papier à Jin, qui le rangea aussitôt dans sa poche.

— Ah et j’oubliais le plus important. Haruka, je vais devoir récupérer le bracelet. Et te donner ceci.

Haruka hocha la tête, assise dans son lit. Elle retira le bracelet de son poignet et le plaça sur la table de chevet.

— Qu’est-ce que… ?

Jin s’empara des papiers que Nanami avait déposé sur les genoux de Haruka avant que celle-ci ne puisse les lire.

— Hé !

Les deux sœurs étaient curieuses. Jin parcourut l’un des papiers officiels entre ses mains, et regarda Nanami, puis Haruka.

— Marika Ando ?

Nanami hocha la tête, voyant leurs regards interrogatifs.

— C’est la condition qui m’est imposée pour avoir effectué cette légère entorse au règlement du Département. Haruka Ayase, tu es officiellement portée disparue et donc considérée décédée le 16 octobre, ceci afin de ne pas interférer avec le déroulement normal de l’Histoire. Tu es censée être morte et tu le resteras. Mais ça ne veut pas dire que tu ne peux pas exister sous une autre identité.

Elle fit un clin d’oeil aux humains assis dans la pièce. Vu leur silence et leurs regards interrogatifs, elle changea un peu de ton.

— J’espère que… ça vous convient ?

— Nanami, je…

Haruka essaya de trouver les mots.

— Merci… merci de m’avoir sauvée. De m’avoir ramenée ici. J’ai l’impression d’avoir somnolé un long moment avant de répparaître…

Nanami hocha la tête.

— Ce n’est rien Haruka.

Elle prit la main de celle-ci dans la sienne.

— Je suis contente… d’avoir pu servir à quelque chose. D’avoir pu accomplir ce pourquoi j’ai été créée.

Nanami parcourt les trois visages devant elle.

— C’est moi qui vous remercie de m’avoir donné la vie. Tous les trois. Nous allons vous aider à déménager de Tokyo dans un endroit un peu plus calme. Tant que Haruka Ayase disparaît, tout ira bien.

Jin et Haruka ne savaient pas quoi répondre. Akari prit la parole alors que Haruka contemplait ses nouveaux papiers d’identité.

— Mais Nanami, j’ai une question… Qu’est-ce qui va arriver si on ne te construit pas, au final ?

Nanami secoua la tête.

— Cela arrivera. Je le sais. Vous me devez bien ça, non ? Et si possible, évitez de me faire avec des matériaux de récupération cette fois.

Cela fit rire Akari, mais sa question était néanmoins sérieuse.

— C’est juste que s’il nous arrive quelque chose…

Nanami l’interrompit.

— Ce n’est pas censé arriver.

Elle s’éclaircit la gorge doucement.

— Votre futur est déjà écrit. Cela peut vous sembler vain, mais je sais ce qui va arriver dans vos vies. Il y a plein de choses que vous pouvez changer, mais de notre expérience à travailler sur le temps, ce dernier trouve toujours un moyen de s’autoréparer. Et quand c’est réellement impossible, c’est que nous devons intervenir pour rectifier le tir.

Elle semblait fière de son petit discours et termina ainsi.

— C’est pour ça qu’on ne révèle pas aux gens leur futur. Il est écrit mais pas immuable. Si on souhaite réellement le changer, on peut le faire. Certains petits changements peuvent avoir d’énormes impacts, et c’est pour cela que notre Département existe. Pour empêcher des gens, peu importe leur intentions d’altérer la ligne temporelle. Si le prix à payer pour que Haruka survive est un changement de nom, j’espère que vous serez prêts à le payer.

Jin regarda Haruka, attendant sa réponse. Elle était la principale concernée après tout.

— J’accepte. Je suis une Ando maintenant, c’est ça ?

Elle sourit doucement à Nanami.

— Oui !

Après quelques derniers échanges, Nanami se leva de son siège.

— Je sais que vous voudriez rester plus longtemps ensemble, mais vous ne pourrez pas rester ici cette nuit, Jin, Akari.

Ils levèrent la tête vers elle.

— Oh… Oui, je comprends. Tu as dit deux jours, c’est ça ?

Nanami rit doucement.

— Moins que ça, pour vous ! Dés que l’on sera sortis, Haruka nous rejoindra presqu’aussitôt. Le temps s’écoule différement ici. On a jamais réussi à le stopper complètement, mais on peut le ralentir pour que des heures ici ne fassent que quelques secondes dehors.

— Je ne comprends toujours pas comment ils t’ont traitée en criminelle tout ce temps, pour ensuite… t’embaucher ? Ça me paraît insensé.

Jin était un peu sceptique, mais Nanami réalisa alors qu’elle lui devait quelques explications.

— Comme je vous l’ai expliqué, j’ai été jugée. La première criminelle jugée pour avoir enfreint les règles du voyage dans le temps. Mais comme le temps, ces règles ne sont pas immuables, et mon cas a été examiné, débattu… c’était une situation complexe, car j’ai enfreint les lois pour sauver quelqu’un qui ne méritait pas sa mort. Et puis, j’avais aussi aidé le Département en récupérant les données du test échoué de Haruka en même temps. Sans mon intervention les données auraient été perdues à jamais, et elles ont permis un voyage plus précis et moins dangereux à travers le temps et l’espace.

Akari claqua des doigts .

— C’est pour ça que tu t’es laissée prendre aussi facilement.

— Oui, Ema, Satoshi et moi-même sommes parvenus à cet accord. J’avais bien conscience que j’avais fait quelque chose de mal, et je voulais honnêtement me racheter. Je pense qu’ils ont compris que les gens devraient toujours avoir droit à une seconde chance. Surtout que j’avais les données de l’expérience pour prouver ma bonne foi.

Akari hocha la tête.

— Et toi… on va te revoir ?

Elle n’était pas sûre de vouloir entendre la réponse, même si elle s’en doutait tout de même. Il fallait qu’elle pose la question.

— J’ai bien peur que non. J’ai plein d’autres missions à effectuer et pas qu’à cette époque. On va se dire adieu aujourd’hui et vous ne me reverrez plus jamais.

Cela rendit les trois humains dans la pièce quelque peu tristes.

— Mais ça va aller. J’ai fait ce pour quoi j’existe. Je ne pouvais espérer mieux. Je suis vraiment heureuse. Encore merci à vous trois.

Les adieux étaient toujours difficiles, et même Nanami avait bien du mal à ne pas se sentir triste en les laissant à leur nouvelle vie. Si celle d’Akari et Jin allait être plus ou moins inchangée, Haruka avait pu bénéficier d’une deuxième chance, même si elle ne pouvait plus exercer son métier de scientifique. Elle se consola en se disant que ses découvertes allaient participer à changer le monde. Parfois, certaines avancées scientifiques minuscules, nées d’echecs cuisants, permettent de faire avancer la science. Toutes les grandes découvertes sont basées sur les travaux de gens qui ont échoué auparavant. L’humanité peut trébucher, mais elle se relève toujours et avance, au final.

Jin et Haruka déménagèrent dans la région de Kyushuu à l’autre bout du pays. Akari décida de finir ses études avant de les rejoindre quelques années plus tard, afin de commencer à travailler sur Nanami. Une tâche longue et complexe, qui allait les occuper une bonne partie de leur vie et dont ils ne verraient même pas le fruit eux-même. Mais qu’importe.

* * *

Epilogue.

Nanami frappa à la porte de sa chef, et fit un salut de la main en entrant.

— Repos, Major.

Elle s’executa. La Colonel Arakawa était assise à son bureau, et parcourait les informations sur l’écran de son ordinateur. Elle enroula l’écran après quelques secondes.

— Je vous envoie vos prochains ordres de mission… Comment vous sentez-vous ?

— Comment je me sens ? Bien. Devrais-je me sentir mieux ?

— Je ne sais pas, c’est quand même ce que vous vouliez faire depuis le début, non ?

— Oui, c’est vrai… Mais ma tâche au sein du Département n’est pas finie. Elle ne le sera jamais. Tant que je serai en état de fonctionner, je continuerai à régler les problèmes que je peux régler.

La Colonel hocha la tête, et tapota la surface de son buerau de ses doigts.

— Jolie histoire, en tous cas

Nanami se sentit gênée et baissa les yeux.

— Si mentir peut les protéger, alors cela me va. Ils n’ont pas besoin de savoir que ceci est la seule ligne temporelle où Haruka Ayase a survécu. Il valait mieux pour Jin Ichinose qu’il ne sache pas ce qu’il se passe dans d’autres lignes temporelles et qu’il puisse vivre heureux avec sa compagne. Au moins dans cette ligne-là. Vous allez continuer à les surveiller, de toutes façons, non ?

— Bien évidemment, ils ont pénétré dans un complexe du Département. Encore une entorse qu’on vous doit.

— Je sais que cela ne fait qu’alourdir ma dette, mais je compte bien la rembourser aussi longtemps que je serai en état de marche.

La femme assise derirèe son bureau secoua la tête.

— Même si cela dure indéfiniment ?

Nanami n’hésita même pas.

— Bien sûr.

— Tu es bien une androïde.

— Oui, mais une androïde heureuse maintenant, et pour l’éternité.

Cela fit légérement rire la Colonel Arakawa.

— Allez, filez maintenant, j’ai d’autres choses à faire que d’accomoder les caprices d’une machine. Ouste !

— Bien, Colonel !

Elle fit un salut à sa supérieure, et tourna les talons, en fermant bien la porte derrière elle. Elle consulta son nouvel ordre de mission, et partit vers la grande salle circulaire où Haruka était réapparue.

Fin.



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