Chapitre 9 – Le plongeon

Created on par Axel Terizaki

Début octobre, l’aube de la première série d’examens du second trimestre. Cela terrorisait déjà les élèves du lycée Kirigaoka. Enfin, tous, sauf une.

— Nanami !

Cette dernière était en train de ranger ses affaires quand  Akari et Satsuki s’approchèrent d’elle.

— Tu n’as pas l’air stressée par les examens, tu en as de la chance, constata Satsuki.

— Haha, désolée Satsuki, les examens, pour moi, c’est facile.

Cela fit doucement rire Akari.

— Nanami… Tu est toujours d’accord pour ce week-end, demanda-t-elle d’un ton sérieux.

L’androïde regarda la jeune Ayase et hocha la tête.

— Je le suis. Je viendrai ce soir à la résidence avec mes affaires.

— Super, on t’attendra pour manger alors.

Elle hocha la tête de nouveau.

— A ce soir Nanami, lança Satsuki avant de partir à son club de peinture, en compagnie d’Akari qui elle se dirigeait vers celui d’informatique.

Nanami finit de ranger ses affaires et s’en alla d’abord au bureau du conseil des étudiants aider la présidente Mizuho avant de faire un tour au club d’étude des idoles dont elle faisait partie. Elle y était toujours bien acceuillie, encore plus depuis qu’elle avait offert au club un CD dédicacé par Teri Suzumiya.



* * *

Assis à son synthétiseur audio, Jin rejouait les quelques chansons que Nanami avait consultées récemment. Il était assez curieux des choix que faisait Nanami en musique, comment elle se décidait à jouer telle ou telle mélodie. Cela l’intriguait, et les réponses qu’il obtenait d’elle n’étaient pas vraiment satisfaisantes. Elle avait bien du mal à expliquer ce qui la guidait.

Alors qu’une des musiques se terminait, il entendit la porte d’entrée de la maison être déverouillée, et sortit de l’étude pour se diriger vers les escaliers.

— Nanami, tu as oublié quelque chose ?

Mais lorsqu’il baissa le regard vers la porte d’entrée, il crut d’abord à une hallucination.

— Haruka !

Il descendit les marches quatre à quatre pour se tenir devant elle.

— Mais tu… tu ne devais pas rentrer avant que ton expérience…

Il fut interrompu par Haruka qui pencha sa tête en avant, la reposant contre le torse de son compagnon

— Haruka… ?

— Chut, je recharge mes batteries.

D’abord surpris, cela le fit ensuite sourire tendrement et il enlaça la jeune femme encore vêtue de son manteau.

— Je suis rentrée.

— Bienvenue à la maison, Haruka.

Après lui avoir servi un thé, Jin prit place à côté d’elle sur le canapé du salon, tandis qu’Haruka expliquait ce qu’il s’était passé.

— …et comme les préparations avançaient bien, j’ai réussi à négocier un week-end de repos. Mais ce ne fut pas facile ! Heureusement Shiho m’a appuyée auprès des chefs. Et puis quand ils ont vu mon état de fatigue… Ah ça fait du bien d’être dans ce canapé.

— Je suis tellement heureux de te revoir. Vivement que tout ça se termine, fit Jin en passant un bras autour de sa petite amie.

— Oui… Ceci étant dit, je ne sais pas si je serai moins occupée après. Si l’expérience porte ses fruits je risque d’être plutôt solicitée, à la fois par la hiérarchie et par le monde scientifique.

Jin hocha la tête. Il comprenait bien ce qu’elle venait de dire, mais cela l’attristait tout de même. Il blottit sa tête contre l’épaule de sa compagne.

— Tu m’as manqué ces dernières semaines…

— Moi aussi Jin…

Ils restèrent ainsi quelques minutes l’un contre l’autre, à apprécier ce petit moment d’intimité éphémère.

— Un seul être cher vous manque, et tout est dépeuplé, finit par dire Jin.

— Qui a dit ça ? C’est une citation non ?

— Un écrivain français, je crois… Nanami saurait sûrement.

— Dis donc, ce n’est pas une de ces enceintes connectées auxquelles on pose des questions ! D’ailleurs, où est-elle ?

— Elle a dit qu’elle passait le week-end chez Akari. Apparement ta petite sœur chérie a trouvé un moyen d’aider Nanami à retrouver ses souvenirs.

Cela fit glousser doucement Haruka.

— Ça ne m’étonne pas d’elle. Ça me fait mal de l’admettre mais Akari est beaucoup plus intelligente que moi. Elle ira loin, j’en suis sûre.

— Ne dis pas ça, Haruka.

— Jin, c’est logique voyons. Je n’avais pas autant de temps qu’elle pour me consacrer à mes études. Quand nos parents sont décédés, j’ai pris le temps de m’occuper d’elle, de nous… pour qu’elle puisse s’épanouir plus que moi.

— Haruka…

Jin déposa un léger baiser sur ses lèvres, avant de murmurer :

— Laisse-moi m’occuper de toi maintenant, tu as assez donné.

— Merci. Tu fais ça super bien.

— Vu que tu es disponible ce week-end, veux-tu sortir avec moi ?

Haruka rit de bon coeur.

— Qu’est-ce que c’est que ces manières Jin ? On dirait que tu demandes un rencard à une fille de ta classe !

— C’est que tu as disparu de ma vie pendant quelques semaines, c’était une éternité pour moi. Je ne te connais plus aussi bien…

— Tu exaggères !

— Haha… Alors, ta réponse ?

Haruka fit semblant d’y réfléchir, en détournant le regard de celui de Jin.

— Je ne sais pas…

— Haruka…

Elle gloussa.

— Bien sûr que je veux bien, idiot. Mais pas ce soir. Ce soir je fusionne avec le canapé. Demain matin on ira où tu voudras.

Jin se désengagea à contre-coeur de Haruka.

— D’accord. Repose-toi, je vais te préparer à dîner. Qu’est-ce que tu aimerais manger ?

— Un bœuf strogonoff.

Il plissa les yeux.

— Tu n’as pas plus compliqué ?

— Oh si, je pourrais te demander n’importe quoi d’autre, parce que tant que je mange avec toi, tout me paraît bon, Jin.

Il lui sourit, et passa sa main dans ses cheveux tendrement.

— Riz curry avec porc pané ? Il en reste au réfrigirateur.

— Un choix judicieux.

Jin se leva alors, et se dirigea vers la cuisine.

— Je te préviens quand c’est prêt.

La jeune femme lui offrit son plus beau sourire avant de se prélasser un peu dans le canapé.

— Merci, Jin.



* * *

Akari ouvrit la porte de la chambre qu’elle partageait avec Satsuki, et laissa entrer Nanami.

— Bienvenue Akari, Nanami, offrit la dessinatrice en voyant les deux autres arriver.

Elle était revenue plus tôt de l’école, s’était changée et installée confortablement à son petit bureau pour dessiner. Elle portait un petit haut sans manches et une jupe.

Le bureau de Satsuki était contre le mur près des lits des deux jeunes filles. Là où celui d’Akari était occupé par du matériel informatique divers et varié, celui de Satsuki était bien mieux rangé, avec des pots de crayons et autres outils de dessin, ainsi qu’une tablette. Il y avait aussi des croquis qu’elle n’avait pas encore terminés, et un petit pupitre sur lequel travailler.

— Tu veux te changer avant, demanda Akari en voyant son amie.

— Non, tu n’auras besoin que d’accèder à ma nuque, je crois…

— D’accord.

— J’ai préparé un futon pour Nanami, annonça fièrement Satsuki.

En effet, entre les lits et le bureau d’Akari, il y avait un petit futon.

— Merci Satsuki !

— Bon, installons-nous.

Akari invita Nanami à s’allonger, et se tourner sur le côté, face à elle. Elle s’installa alors à son bureau, et commença par allumer son ordinateur portable.

— Bien, je suis prête, on va commencer par te relier à l’ordinateur…

Elle se leva alors de nouveau, et prit un long câble USB qu’elle brancha à l’ordinateur, puis elle s’approcha de Nanami et s’agenouilla près d’elle.

— J’ouvre mon port de charge et d’extension…

Satsuki ne put s’empêcher de regarder alors qu’Akari poussa doucement la chevelure de l’androïde tandis que sa peau laissa apparaître une plaque métallique sur laquelle un port USB était bien visible, ainsi que la mention ‘UCP’ JA-73′ gravée sur le métal.

— C’est la première fois que je vois ça, commenta Satsuki.

Nanami rougit quelque peu.

— C’est embarrassant.

— D-Désolée Nanami !

— Non, c’est rien… je comprends que ça te paraisse étrange, répondit l’androïde.

Akari enficha la prise USB dans le port, et vérifia qu’elle était bien branchée.

— Là, ça devrait le faire.

Elle regarda le visage de Nanami. Celle-ci lui souriait.

— J’espère trouver quelque chose pour t’aider.

Nanami hocha la tête doucement. Akari se releva, et retourna s’asseoir à son bureau, le dos tourné à son sujet d’expérience.

— Bien, voyons voir ce que ça donne… Mon ordinateur te détecte, c’est déjà pas si mal, mais…

Akari commença à essayer de communiquer avec Nanami par l’intermédiaire du câble qui reliait son corps à son ordinateur. Elle semblait éprouver beaucoup de difficultés à obtenir des résultats, et pestait contre tout et n’importe quoi. Akari se sentait facilement frustrée quand elle n’arrivait pas à ses fins, peu importe son but. La patience n’était pas vraiment son fort.

Plongée dans son écran à tenter différents protocoles, différents programmes sur Nanami, elle était tellement concentrée qu’elle n’avait pas remarquée que Satsuki, elle, discutait tranquillement avec Nanami tout en dessinant.

— C’est quoi la première chose dont tu te souviens, Nanami ?

— C’est difficile à dire… Je me souviens m’être réveillée seule dans un caisson que j’ai ensuite ouvert… Je savais que je devais retrouver la sœur d’Akari, mais avant ça, mes données semblent manquer ou être corrompues.

— Oh… C’est triste de ne pas se souvenir de quoi que ce soit. De ses parents, par exemple…

— Mes parents… mon créateur, je ne sais pas, je ne sais même pas pourquoi il m’a faite, pourquoi j’existe. Je dois sauver l’éternité, mais j’ignore de quoi il s’agit.

— C’est un peu embêtant…

Se concentrant alors sur son dessin, Satsuki devint silencieuse. Quelques minutes plus tard, cependant, elle se leva de sa chaise et alla vers Nanami.

— Regarde, j’ai fait ça pour toi. Je dois encore travailler la colorisation et les ombres…

Nanami se releva doucement pour ne pas soudainement débrancher le câble, et prit la tablette offerte par Satsuki. C’était un dessin d’elle et de Hayate riant de bon coeur dans le car scolaire qui les avait amenés au musée Miraikan l’été dernier.

— Oh… ! C’est très joli !

— Tu aimes ?

— Oui !

— Je te l’enverrai quand je l’aurai fini. Je me suis dit que c’était dommage de garder un si mauvais souvenir de ce voyage, alors je vous ai dessiné tous les deux comme ça…

Nanami, un peu curieuse, passa son doigt sur l’écran, ce qui eut pour effet de changer d’image.

— Tiens, pourquoi sur celle-ci Hayate et moi on s’emb…

Satsuki lui prit alors la tablette des mains, en panique, et la serra contre sa poitrine.

— Haha ! Tu ne dois pas voir ça du tout ! J…Je vais fignoler le dessin, comme ça je te l’enverrai, d’accord ?

Nanami ne comprenait pas très bien pourquoi Satsuki était si embarrassée.

— Pffft, j’arrive à rien, commenta Akari de son côté.

Soulagée de ce chagnement de conversation offert sur un plateau, Satsuki bondit sur l’occasion.

— Ça ne va pas, Akari ?

— Non… J’ai beau essayer divers moyens de communication, même les plus obscurs ou récents, ça ne passe pas. Tu n’as pas un pare-feu désactivable, Nanami ?

— Mon système est naturellement protégé contre les intrusions, mais je ne le contrôle pas directement…

— Mince, comment vais-je faire… Tu n’aurais pas un mode de maintenance ou quelque chose comme ça qu’on pourrait utiliser ?

Satsuki ne comprenait plus trop la conversation, mais était bien contente qu’on ne parle plus des dessins tendancieux se trouvant sur sa tablette. Elle se replia à son bureau, mais continua d’observer Akari et Nanami.

— Je… Oui mais…

— Dans ce cas active-le ! Je n’arrive à rien tout de suite, ça m’énerve.

— C’est que… je dois m’éteindre pour passer en maintenance.

— Hé bien, qu’est-ce qu’on attend, s’impatienta Akari.

Nanami, elle, semblait un peu nerveuse tout d’un coup.

— Si je m’arrête… Tu vas me rallumer, hein ?

Cela eu l’effet d’une bombe pour Akari, qui venait soudainement de réaliser quelque chose. Quelque chose d’horrible.

— Attends, si tu te mets en mode maintenance, tu ne peux pas en sortir toi-même ?

Nanami secoua la tête sans un mot. Satsuki prit la parole.

— Qu’est-ce que ça veut dire, Akari ?

Akari hésita. Elle avait oublié l’espace d’un instant durant ses recherches sur Nanami, qu’elle n’avait pas connecté son ordinateur qu’à une machine, mais bien à un être doué d’une conscience. Un être vivant, certains diraient probablement.

— Ça veut dire que si je ne redémarre pas Nanami, elle restera éteinte pour toujours.

— Hein ? Mais c’est terrible !

— C’est surtout très perturbant… tu as peur, Nanami ?

Nanami hocha la tête cette fois.

— Je te fais confiance Akari, mais… quelque part… c’est difficile, je ne sais pas trop quoi faire.

— Surtout qu’une fois éteinte, si j’ai besoin de te poser des questions, tu ne pourras pas me répondre. Et puis je ne suis même pas sûre d’arriver à me connecter pour commencer…

Cela ne rassurait pas vraiment Nanami.

— Il doit y avoir un moyen, s’interrogea Satsuki, je suis sûre que tu vas trouver quelque chose Akari. Tu es la meilleure quand il s’agit d’ordinateurs.

Cela fit sourire la jeune sœur Ayase, qui réajusta alors ses lunettes sur son nez. Elle n’était jamais contre quelques flatteries.

— Je suis contente que tu reconnaisse mes compétences à leur juste valeur Satsuki, mais là, même pour moi ça va être un défi difficile à relever. C’est vraiment risqué. Si Nanami ne se rallume pas…

— Mais moi je crois en toi Akari, annonça sa colocataire.

Elle se tourna alors vers Nanami.

— Nanami, je te le demande, crois en moi qui crois en Akari ! Elle va y arriver, elle est géniale !

Nanami se tourna alors vers Akari, qui détourna le regard, un peu embarrassée.

— Nanami, je comprendrai si tu veux qu’on s’arrête ici. Je n’ai pas les compétences pour t’aider, je suis désolée… Je comprends que ça doit être dur pour toi d’accepter de t’en remettre à moi pour… hé bien, pour ta vie. Je veux dire, c’est un peu comme subir une opération, on subit une anésthésie, mais on ne sait pas ce qui peut se passer.

Akari allait ajouter quelque chose, mais s’arrêta lorsqu’elle sentit les mains de Nanami prendre les siennes.

— Akari, regarde-moi.

Cette dernière regarda de nouveau l’androïde devant elle. Celle-ci continua alors :

— C’est d’accord, je vais m’éteindre. Je te fais confiance. Je sais que tu y arriveras. Depuis que je suis arrivée dans cette chambre et que tu m’as branchée à ton ordinateur, je ne sais pas pourquoi mais j’ai ressenti une sorte de nostalgie. Je suis sûre que tu y arriveras. Normalement, je ne laisserais pas quelqu’un faire ça sur moi, mais avec toi, je me sens un peu comme en sécurité…

Avant qu’Akari ne puisse répondre, Nanami ouvrit ses bras pour étreindre la jeune humaine. Très surprise, Akari ne savait pas trop quoi faire, mais enlaça Nanami en retour.

— Oooh !

Satsuki tremblait d’excitation en voyant cela, et attrapa un papier et un crayon en un éclair pour croquer cette situation avant qu’elle ne s’efface de sa mémoire.

Nanami ferma les yeux et chuchota quelque chose dans l’oreille d’Akari. Celle-ci ferma alors les yeux également, et caressa le dos de Nanami tendrement, avant d’énoncer son ordre :

— Code d’autorisation 8144 : activation du mode maintenance du système EternityOS 7.3

La voix de Nanami changea. Elle paraissait plus robotique.

Code inutile. Privilège dupliqué. Extinction en cours…

— Privilège dupliqué ?

Quelques secondes passèrent avant que la voix robotique ne se fasse entendre de nouveau.

Système arrêté.

Il y eu quelques instants de flottement de la part d’Akari. Celle-ci ouvrit les yeux doucement, Nanami toujours contre elle.

— Nanami ?

Pas de réponse.

— Elle dort, demanda doucement Satsuki.

— Non… je pense que c’est au-delà du sommeil. Elle est… profondèment endormie contre moi. C’est preque relaxant.

Akari resta ainsi quelques instants de plus, avant de délicatement recoucher Nanami sur le côté. Elle joua un peu avec sa chevelure avant de se lever pour la contempler.

— Ne t’inquiête pas Nanami.

Elle retourna alors à son ordinateur, et commença à chercher d’autres moyens d’entrer en communication avec elle.

— Comment ça se passe ?

Satsuki vint aux côtés de son amie. La situation l’intéressait malgré son inaptitude à comprendre tout ce qu’il se passait. Pour elle, ce qu’Akari faisait sur son écran n’avait aucun sens.

— Hmmm…

Elle essaya d’autres commandes mais rien n’y faisait.

— Zut, je n’arrive pas à… Oh attends, j’ai une idée… et si ça ça fonctionnait ?

Akari se parlait plus à elle-même qu’à Satsuki, qui continuait à l’observer, fascinée.

— L’interface de Nanami répond. J’obtiens une connexion refusée, ça veut dire qu’elle est encore en ligne ! Tout à l’heure ça attendait dans le vide avant que la connexion n’expire, elle a clairement un pare-feu qui est désactivé maintenant qu’elle est en mode maintenance. Je dois juste trouver la bonne séquence à lui envoyer… A moins que… Si j’émulais une connexion réseau…

Elle commença à essayer divers autres manipulations, avant de taper du poing sur le bureau.

— Ça y est !

— Hein, tu as réussi ?

Akari pointa du doigt la fenêtre sur son écran où un curseur clignotait devant un message.

Mode maintenance – Accès réseau
Identifiant :

— Bon, essayons la base.

Identifiant : root
Mot de passe :

— Un mot de passe ? Tu as une idée de ce que ça pourrait être, demanda Satsuki.

Akari plissa les yeux.

— Pas du tout… Et Nanami est éteinte. Non, même si elle était allumée, je ne suis même pas sûre qu’elle sache quel peut être le mot de passe de son système. On va en essayer quelques uns.

Akari essaya quelques mots de passe basiques, mais le système les refusait à chaque fois. Pire encore, la durée entre deux saisies de l’identifiant et du mot de passe grandissait chaque fois qu’elle se trompait, jusqu’à atteindre quelques minutes.

— Ah ça m’énerve ! Si seulement j’avais une idée lumineuse…

— Hmmm, tu as essayé Teri Suzumiya, suggéra Satsuki.

Akari la dévisagea alors.

— J…J’ai dit une bétise ?

— Non… c’est même plutôt une bonne idée. Mais je ne pense pas que Nanami soit celle qui ai mise cette sécurité en place, expliqua Akari, dubitative.

Elle commença alors à essayer d’abord le nom complet de Teri, puis différentes variantes. Elle envoya même un message à Megumi, la plus grande fan de la chanteuse qu’elle connaisse, pour trouver des idées.

— Hmmm, allez, essayons-en encore un…

Elle commença alors à faire un autre essai, quand soudain, une boîte de dialogue vint se placer au dessus de la fenêtre dans laquelle Akari tapait. En croyant valider sa saisie et entrer un nouveau de mot de passe avec la touche entrée du clavier, elle répondit à la place à la question posée par son ordinateur :

Une mise à jour a été téléchargée, voulez-vous redémarrer ?

Akari prit sa tête entre ses mains et lâcha un râle d’exaspération.

— Nooon, pas encore une mise à jour automatique du système, aaah, pas maintenant !

Mais c’était trop tard pour annuler, son ordinateur ferma toutes les fenêtres et commença à appliquer la mise à jour.

— Oh… J’ai eu cette mise à jour avant-hier. Ça a pris au moins une heure, commenta Satsuki.

Akari soupira.

— Bah, on a qu’à aller manger quelque chose, et on réessayera plus tard, j’ai peut-être une meilleure idée sur le mot de passe…

— Ah ?

— Nanami m’a donné un code pour dévérouiller une malette contenant des pièces de rechange. Si ça se trouve, c’est ça le bon mot de passe.

Elle se leva.

— Allez viens, on va se faire à manger, en espérant que les autres n’aient pas dévalisé la cuisine, je crois qu’il fallait faire quelques courses hier…

— D’accord.

Satsuki suivit son amie hors de la chambre, mais non sans jeter un dernier regard à Nanami, inerte sur le futon.



* * *

Après un bon dîner entre elles, notamment grâce à des restes que d’autres résidents avaient laissé au réfrigérateur,  Akari et Satsuki retournèrent à leur chambre. Nanami était toujours couchée sur le sol, inerte, exactement comme elles l’avaient laissée.

— Bon, voyons voir…

Elle s’installa à son ordinateur et fixa l’écran quelques instants. Celui-ci était vide mis à part un message terminé par un curseur clignotant.

INSTRUCTION ILLEGALE X128

— Qu’est-ce qui se passe, demanda Satsuki tout en allant s’installer à son bureau après avoir fait le tour de Nanami.

— Je… ne sais pas.

C’était une phrase qu’Akari avait du mal à prononcer. Elle redémarra son ordinateur, mais le message réapparut aussi sec.

— Oh… je crois que j’ai compris !

Elle débrancha le câble reliant Nanami à son ordinateur de ce dernier, et rappuya une nouvelle fois sur le bouton de réinitialisation. Elle vit alors sa machine reprendre vie et démarrer normalement.

— Haha, c’est grâce à la mise à jour, elle a fait redémarrer mon ordinateur… sur Nanami !

— Ah ? Si tu le dis. C’est bien ou pas, demanda de nouveau Satsuki.

— C’est très bien ! Ça veut dire que Nanami cache quelque chose, mais mon ordinateur ne veut pas démarrer. Le processeur à l’intérieur, le cerveau si tu préfères, n’arrive pas à comprendre ce que Nanami essaye de lui dire.

— Comment faire alors ? Tu as une idée ?

— Peut-être… Dans le message il est fait mention de x128, une architecture, enfin, un type de processeur spécifique, même pas encore sur le marché…

Satsuki avait compris l’essentiel, mais elle vit le visage d’Akari s’illuminer d’un sourire confiant.

— Et je sais comment je vais m’en procurer un.

— Fais de ton mieux Akari. Si tu as besoin de moi, n’hésite pas d’accord ?

Akari était déjà occupée à pianoter sur son ordinateur afin de contacter les bonnes personnes.

— Ne t’inquiête pas Satsuki. On me doit justement quelques faveurs. Il y a deux ans j’ai aidé un ami qui travaille pour cette entreprise de micro-processeurs. Sans moi il se serait fait virer et la boîte aurait peut-être même coulé. Je suis sûre que je peux obtenir quelque chose de lui, héhé.

— Oh…

— Demain matin j’irai à Akihabara. Je vais devoir monter un ordinateur exprès pour ça.

Le quartier de l’éléctronique à Tokyo était en effet l’endroit idéal pour quelqu’un comme Akari. Elle y connaissait pratiquement tous les vendeurs, et pourrait se faire prêter du matériel pour sa petite expérience, en plus du processeur spécial et de la carte mère compatible qu’elle allait recevoir.

— D’accord, je veillerai sur Nanami si tu veux !

— Merci, Satsuki.



* * *

Le sac à dos chargé et de grands sacs dans les mains, Akari marchait péniblement jusqu’à la résidence. Ses courses à Akihabara avaient été fructueuses, et elle avait pu obtenir le fameux processeur dont elle avait besoin.

Une fois arrivée, elle posa ses sacs contre un mur, et soupira de soulagement.

— Je suis de retour.

— Bienvenue à la maison, Akari. Ça a été dur ?

— J’ai dû marchander un peu, on me l’a prêté uniquement.

Elle commença à se déshabiller sans gêne avec Satsuki dans la pièce. Celle-ci se mordit la lèvre inférieure en voyant Akari en débardeur et petite culotte.

— Tu… tu vas prendre une douche ?

— Hein ? Non, c’est que je vais monter un ordinateur et  donc toucher des composants éléctroniques, du coup je dois éviter à tout prix de décharger mon éléctricité statique.

— C’est… compliqué.

Akari se mit alors au travail sur son bureau, et commença à assembler l’ordinateur. Elle alla prendre un écran, un clavier et une souris depuis son armoire, où elle gardait quelques vieux matériels de rechange.

Un peu plus d’une heure s’écoula. Les courses lui avaient pris toute la matinée et elle avait juste pris une boîte à repas dans une superette en guise de déjeuner. Son ordinateur monté, posé sur le bureau, n’était même pas dans un boitier. Elle avait simplement placé la carte mère, le processeur, mis de la mémoire, et avait relié le tout à un écran. Bien sûr, elle brancha également Nanami à l’un des ports de la carte mère.

Une fois le tout en place, elle s’asseya à son siège, et alluma le nouvel ordinateur.

— Alors, est-ce que ça va marcher ?

Elle tapota doucement ses doigts contre son bureau. L’ordinateur s’initialisa.

— J’espère qu’il n’y aura pas de bugs, ce truc n’est même pas encore sorti pour le grand public…

Elle jeta un œil à Nanami, puis à l’ordinateur, et enfin à l’écran. Pour le moment, rien ne se passait, mais aucun message d’erreur ne s’affichait non plus.

Puis soudain, un message apparut à l’écran.

Architecture compatible trouvée.
Calibration du protocole de transfert UCP pour l'architecture actuelle, veuillez patienter.

— Wow, c’est complètement différent de ce à quoi je m’attendais, je pense que je suis connectée à Nanami !

Satsuki ne releva même pas ce qu’Akari racontait. Elle se parlait souvent à elle-même quand elle était excitée ainsi.

— Hum, il fait très beau, je crois que je vais aller dessiner dehors.

— Hein ? Oh, d’accord.

Akari observa Satsuki prendre ses affaires de dessin et sortir.

— Fais attention à Nanami, d’accord ?

Elle lui fait un petit signe de la main avant de refermer la porte, laissant Akari seule avec l’androïde éteinte.

EternityOS 7.3-hikari40-retrocompat x128
Démarrage en mode mono-utilisateur
Mode maintenance enclenché. Pour le désactiver, supprimez le fichier /maintenance avant de redémarrer.
Services désactivés :
- Eternity Engine A
- Eternity Engine B
- Real Skin Shield
- ExtraNet Interface
- Optical Camouflage (message d'erreur : système physiquement endommagé)
- Organic Computing Grid
- Artificial Intelligence Cores (Core.NODOKA, Core.RITSU, Core.SHOKO)

root@eternity73 ~:#

En lisant cela, Akari jeta un œil vers Nanami de nouveau, et vit que sa peau s’était désactivée, exception faite de son visage, laissant apparaître le métal en dessous.

— Ça y est, on dirait… Bon, voyons ce que je peux faire.

Akari commença à explorer le système de Nanami, en essayant diverses commandes.

— On dirait un système de type UNIX. C’est étrange… C’est très mal rangé en plus.

Elle pesta face à l’emplacement de certains fichiers, le nom de certaines commandes, mais pourtant…

— C’est vraiment bizarre, j’ai l’impression d’être face à quelque chose d’extra-terreste et de familier à la fois. Bon, d’abord on va prendre nos marques…

Lorsque Satsuki revint à la résidence en fin d’après-midi, elle retrouva Akari dans la même position où elle l’avait laissée plus tôt dans la journée : assise à son bureau.

— Akari, tu devrais te lever et marcher un peu pour dégourdir tes jambes.

Celle-ci ne regarda même pas sa colocataire.

— Je ne peux pas Satsuki, ce que je fais est beaucoup trop fascinant. Fascinant et malaisant à la fois.

— Hein ?

Satsuki déposa un petit sac sur son bureau, avec sa tablette qu’elle avait emporté avec elle tout à l’heure. Akari s’arrêta, et tourna son siège pour faire face à son amie.

— C’est… C’est Nanami, comment elle est faite, comment elle fonctionne… J’ai encore du mal à comprendre certaines choses, mais je découvre ça et là des merveilles en matière d’ingénieurie logicielle en elle.

— Bah, c’est super, non ? C’est une androïde, il y a des tas de gens super intelligents qui ont dû travailler sur elle !

— Non… Enfin, c’est difficile à te décrire ! Il y a des choses très bien pensées, d’autres qui m’échappent complètement. Celui qui a crée ça est soit un génie soit profondément idiot. Mais quand je vois le résultat, je penche plutôt vers le génie. Après, je suis assez mal à l’aise parce que…

Elle jeta un regard vers Nanami au sol près d’elles.

— J’ai l’impression de fouiller en elle, de fouiller en quelqu’un, et ça me met extrèmement mal à l’aise. Je fais des pauses régulièrement car j’ai l’impression de violer son âme ou quelque chose… C’est si difficile à te décrire ! Imagine que tu puisses ouvrir le cerveau de quelqu’un et regarder comment c’est fait, avoir accès à ses souvenirs, ses pensées… Et puis la quantité de choses à chercher est vertigineuse. Je lis ses journaux système pour tenter de comprendre…

— Journaux système, questionna Satsuki.

— Pardon, c’est un peu comme un journal intime, mais uniquement factuel, et très précis, sur comment ton corps fonctionne.

— Oh…

— Enfin il y a encore plein de choses que je ne peux pas déchiffrer là comme ça. Je vais devoir m’y plonger plus sérieusement toute la nuit.

Satsuki gloussa.

— Je t’adore quand tu te donnes à fond comme ça. Je me doutais que tu ne voudrais pas quitter ton bureau, alors je t’ai fait une boîte à repas moi-même, pas comme celle que tu as mangé ce midi.

Elle sortit la petite boîte du sac.

— Une bonne omelette au riz chaude, des légumes, et un peu de porc pané.

— Oh, merci Satsuki…

Elle lui sourit et prit la boite dans ses mains, avant de la mettre devant son écran.

— Tu as raison, je vais faire une petite pause et me dégourdir les jambes. Et puis m’habiller aussi, dit-elle en baissant les yeux.

— Oh moi ça ne me dérange pas, lui répondit Satsuki d’un air coquin.

— Haha…



* * *

Akari bailla. La fatigue commençait à l’assomer.

— Tu devrais te coucher, Akari, murmura Satsuki qui s’était déjà changée pour dormir.

Elle aussi tombait de sommeil, la pièce n’était plus illuminée que par l’écran de l’ordinateur fait sur mesure par Akari.

— Ouais, ouais. J’ai justement trouvé un truc à lancer pendant la nuit. Apparement l’un de ses systèmes de fichiers est endommagé et demande une action manuelle pour être réparé.

— Tu m’expliqueras tout ça en détail demain… Je me lèverai tôt pour aller dessiner dehors, j’essayerai de ne pas te réveiller.

Akari fit tourner sa chaise de bureau vers Satsuki et lui sourit.

— Merci.

L’informaticienne de génie eut du mal à s’endormir, et surtout à lâcher le clavier. Après avoir lancé l’opération de vérification et de correction du système de fichiers endommagé de Nanami, elle regarda la procédure progresser avec ennui. Elle se dit que finalement, aller dormir était sûrement le plus sage et que le lendemain matin ce serait terminé.

La nuit passa, et Akari se réveilla péniblement.

— Hmm, Satsuki ?

Aucune réponse.

— Ah c’est vrai, elle a dit qu’elle irait dessiner dehors…

La lumière du soleil était telle que le rideau de la chambre ne pouvait l’éclipser entièrement, et c’est ce qui avait fini par réveiller la jeune fille. Elle tatonna sur sa table de nuit.

— Lunettes, lunettes…

Elle finit par trouver ses lunettes rondes et les plaça sur son nez.

— Hmmm…

Encore un peu endormie, elle se leva, et son premier réflexe ne fut ni de s’aller prendre une douche ou de s’habiller, ni même de se préparer à manger, mais d’aller s’asseoir devant l’ordinateur encore relié à Nanami. Elle alluma l’écran et parcourut les messages affiché par son système durant la nuit.

— On dirait que ça a fonctionné. Le système m’invite à redémarrer… hmmm.

Elle jeta un coup d’oeil à l’androïde encore assoupie derrière elle.

— Bah, j’imagine que maintenant que le système de fichiers est pleinement réparé, il faut redémarrer proprement pour que ça soit pris en compte.

Elle entra la commande de redémarrage du système, et se reposa contre le dossier de sa chaise le temps que son ordinateur ne redémarre.

— Ah, mes cheveux…

Comme elle venait de se lever et s’était précipitée sur l’ordinateur, elle attrapa un ruban et s’attacha les cheveux en une queue de cheval.

— Hein ?

Contrairement à tout à l’heure, il n’y avait pas que du texte qui défilait au démarrage de l’ordinateur, toujours branché à Nanami, mais des images aussi. Rapidement, un environnement de travail graphique se dessina à l’écran au lieu d’un simple terminal textuel.

— Ah ça doit être parce que j’ai réparé le système de fichiers, j’ai droit au démarrage normal, commenta-t-elle à haute voix.

Saisissant une souris, elle commença à explorer l’interface graphique. C’était à la fois familier et un peu dérangeant : certaines éléments qu’on trouvait habituellement sur ce genre d’interface étaient soit absents, soit se trouvaient ailleurs. Rien d’insurmontable pour Akari, ceci dit, qui trouva très vite ses marques.

— Vite, un terminal texte, je déteste ces interfaces graphiques.

Elle trouva comment ouvrir une nouvelle fenêtre de terminal.

— Un message du jour ? Ah oui, le système est fonctionnel maintenant, voyons ce que ça dit… Attends… quoi ? Hein ?

La jeune fille se figea quelques instants devant son écran, comme choquée par ce qu’elle venait de lire. Elle se leva immédiatement et alla chercher son téléphone encore sur sa table de nuit, puis revint pour prendre une photo de l’écran. Ses mains tremblaient, et elle dût s’y reprendre à deux fois afin d’obtenir une photo suffisament nette. Elle selectionna alors Jin dans ses contacts, et lui envoya la photo, accompagnée d’un message alarmant :

— Laisse tomber tout ce que tu fais et rejoins-moi à la résidence, ma chambre est au fond à droite à l’étage. Viens seul. ne dis RIEN à personne.



* * *

Haruka était dans l’entrée de la maison, en train d’enfiler sa veste. Elle n’avait pas l’air très contente. Jin, encore en pyjama près d’elle, la regardait.

— C’était trop beau pour durer, dit Jin, l’air résigné.

— Me faire revenir un dimanche, pffft… Tu parles d’un moyen de me mettre la pression, ouais.

Elle mit ses chaussures, puis s’approcha de Jin pour l’enlacer tendrement.

— Plus qu’une semaine et je serai tranquille. Ils ne m’auront pas une fois le test fait.

— Je sais…

— Je t’aime Jin.

— Je t’aime aussi Haruka.

— Hmmm…

Elle resta une bonne minute ainsi avant de relâcher son petit ami, à contre-coeur.

— Allez, je te laisse la voiture, j’y vais en transports, ça  leur fera les pieds et je pourrai prendre mon temps.

— D’accord. Repose-toi régulièrement là-bas.

— Ne t’inquiête pas, je prendrai soin de moi. Passer une journée entière avec toi m’a fait un bien fou, je me sens requinquée ! Allez, j’y vais.

Elle lui fit un petit geste de la main et s’en alla vers la gare.

C’est à ce moment que le téléphone de Jin, posé sur la table de la cuisine non loin, lui signala d’un mail reçu grâce à une petite notification sonore. Lorsqu’il prit l’appareil et l’alluma pour lire le contenu du message, il faillit le faire tomber sur la table.

— Quoi ?

Sur la photo qu’avait envoyé Akari se trouvait l’écran de son ordinateur, et le message de bienvenue du système de Nanami.

Celui-ci affichait l’état de l’androïde, mais surtout énumérait les trois lois de la robotique à laquelle celle-ci obéissait. Il y avait cependant une quatrième loi, une loi appelée loi zéro, dont personne, même pas Nanami, ne connaissait l’existence jusqu’ici. Elle était affichée en toutes lettres au-dessus des autres.

Haruka Ayase doit survivre. Cette loi est inviolable.

Il vit ensuite le message d’Akari l’invitant à la rejoindre. Son sang ne fit qu’un tour et il ne lui fallut pas longtemps pour s’habiller et aller jusqu’à la voiture pour se rendre jusqu’à la résidence étudiante Sakura.

Une fois garé à côté, il s’empressa d’entrer, retira ses chaussures, et sans même se poser la question de savoir s’il y avait quelqu’un dans le bâtiment, se dirigea vers le premier étage et vers la chambre d’Akari et Satsuki.

— Akari, ouvre !

— Déjà !?

Akari se leva de sa chaise et alla ouvrir sa porte pour laisser entrer Jin. Ses yeux se posèrent sur Akari, puis il détourna le regard immédiatement, ses joues rouges d’embarras.

— A…Akari ! Habille-toi, enfin !

Cette dernière était en effet toujours en petite tenue. Elle n’avait pas encore pris la peine de s’habiller.

— Ah, pardon !

Elle referma la porte aussitôt et fit patienter Jin quelques minutes le temps de mettre une jupe et un t-shirt pris au hasard dans sa pile de vêtements. Akari, une fois prête, rouvrit la porte et invita Jin à l’intérieur.

— D-Désolée, je me suis levée du lit et…

Jin l’interrompit.

— Qu’est-ce que tu as fait ? Pourquoi Nanami est allongée par terre ?

Akari soupira et lui expliqua ce qu’il s’était passé, ce qu’elle avait découvert et comment elle l’avait découvert durant ce week-end.

— Jin, il y a autre chose…

— Autre chose ?

Elle alla s’asseoir à l’ordinateur de nouveau. Il y avait de multiples fenêtres ouvertes à l’écran.

— Après t’avoir envoyé la photo, j’ai continué à creuser, et j’ai trouvé quelque chose d’encore plus dérangeant. Je n’y ai d’abord pas cru… Et puis… non, ça faisait sens en fait. C’était sous mon nez depuis le début.

— Mais de quoi tu parles Akari ?

Elle lui montra les journaux systèmes de Nanami.

— Tu ne remarques rien d’anormal ?

Jin s’approcha d’un peu plus près et les parcourut.

— Les dates des messages ne sont pas des dates…

— Ce sont des tampons temporels. J’ai calculé, le compteur débute il y a 3 ans. Ça veut dire que Nanami a été crée il y a 3 ans. Cependant, tu vois cette ligne au tout début, quand j’ai redémarré le système ?

— C’est la date du jour oui.

Heure locale configurée : 2022-10-09 13:05:40

— Oui mais regarde, Jin. J’ai cherché dans les journaux d’évènements les différents redémarrages de Nanami. Il y en a eu d’autres avant…

Elle remonta progressivement l’historique de recherche pour montrer à Jin.

Heure locale configurée : 2022-10-09 13:05:40
Heure locale configurée : 2022-10-08 21:12:24
Heure locale configurée : 2021-12-22 04:59:32
Heure locale configurée : 2084-08-12 18:50:10
Heure locale configurée : 2084-08-12 12:01:58
Heure locale configurée : 2084-07-24 18:30:41

— Jin…

Il se releva.

— C’est impossible.

Akari releva la tête vers lui. Elle était à la fois apeurée et excitée.

— Pourtant si c’est possible ! Le pire c’est que c’était sous mon nez, j’aurais pu m’en apercevoir dés le départ en listant les détails des fichiers !

Pour prouver ses dires, elle lança un affichage détaillé des fichiers stockés sur Nanami. Nombre d’entre eux avaient pour date une année bien avancée par rapport à celle du jour.

— Akari… Scientifiquement…

— Jin ! Nanami est spéciale, elle est tellement… tellement humaine, tellement parfaite ! C’était évident depuis le début ! Elle n’est pas de notre époque !

— Mais comment est-elle arrivée ici ? Pourquoi ? Et pourquoi elle connaît Haruka ? Pourquoi elle a pour ordre de sauver Haruka ? Elle parlait de sauver l’éternité…

— Hein ?

— Oui, elle n’arrêtait pas de me dire qu’elle ne comprenait pas ce que c’était, et qu’elle était là pour sauver l’éternité…

— L’éternité…

Akari et Jin réfléchirent quelques secondes.

— Oh bon sang, Akari !

— Quoi ?

Il prit un stylo et un bout de papier, et commença à écrire en japonais le prénom de sa compagne.

— L’éternité…

— « Haruka » peut s’écrire avec le kanji de l’éternité, même si tout le monde l’écrit avec le kanji du lointain. C’était ça ! Depuis le début Nanami voulait protéger Haruka de quelque chose…

Akari ne comprenait pas.

— Quel débile aurait pu faire une erreur pareille en écrivant son prénom ? De quoi a-t-elle besoin d’être protégée ? Ça n’a pas de sens.

— Qu’est-ce que j’en sais ? C’est Nanami qui vient du futur, pas moi. On peut la rallumer pour lui demander ? S’il va arriver quelque chose à Haruka je dois le savoir immédiatement !

— J’imagine que maintenant que son système de fichiers est réparé complètement elle va pouvoir répondre à nos questions, mais… J’aimerais en savoir un peu plus. J’ai aussi regardé la liste des utilisateurs de son système.

Elle ouvrit alors une autre fenêtre. Jin les lit à haute voix.

— Jin… Akari… C’est quoi ces noms ?

— C’est assez bizarre. Les autres noms ne me sont pas familiers, il y en a c’est clairement des essais. Je veux dire, c’est typiquement le genre de noms que j’utiliserais pour des tests. Mais il y en a un autre qui sort du lot.

— Le nom « Hikari », oui.

— Quand tu as frappé à la porte j’étais dans son dossier utilisateur. C’est le seul qui a un fichier à l’intérieur, tous les autres sont vides, même les nôtres. Et regarde.

Elle ouvrit la fenêtre montrant qu’il y avait un fichier vidéo à l’intérieur du fameux dossier Hikari.

— J’allais m’apprêter à le regarder, tu es arrivé au bon moment.

— Akari, si ça vient du futur, c’est peut-être quelque chose qu’on est pas censés voir, réfléchit Jin à haute voix.

— Tu crois ? Pourquoi ça aurait été placé là ?

— Je n’en sais vraiment rien Akari.

— Moi je veux voir. C’est probablement la clé de tout ce mystère, ou peut-être seulement d’une partie.

Jin n’était pas particulièrement convaincu. Mais il voulait savoir ce qui menaçait Haruka. Il prit la chaise du bureau de Satsuki, et s’assied près d’Akari.

— Allez, vas-y.

Akari hésita tout de même, puis finalement décida de double-cliquer sur la vidéo. Une nouvelle fenêtre s’ouvrit.

Une femme d’âge mûr, les cheveux détachés et avec des lunettes rectangulaires se tenait assise face à la caméra.

— Est-ce que ce truc fonctionne ?

Elle inspecta la caméra devant elle. Derrière, il n’y avait pas grand-chose de remarquable. Des étagères, de la paperasse, des outils… La pièce n’était pas particulièrement bien éclairée et laissait penser à un garage ou un entrepôt.

— Ah, on dirait que c’est bon… C’est compliqué le matériel du début du siècle. Bien, si vous voyez ce message, c’est que vous avez eu accès au système EternityOS du modèle 7.3. Comment je ne sais pas, mais si ce fichier est en entier vous avez dû trouver comment vous connecter… Enfin bref.

Elle s’éclaircit la gorge.

— Je suis Hikari Ayase, fille du professeur Akari Ayase, qui est décédée aujourd’hui.

Entendant cela, Jin interrompit la vidéo immédiatement en appuyant sur pause.

— Akari !

Cette dernière était toute pâle et fixait l’écran.

— Ça… Ça va Jin, ça va aller…

Jin n’était pas totalement convaincu.

— Tu es sûre ?

— Oui, oui… relance la vidéo, ça va aller, je suis sûre que c’est dans longtemps…

— D’accord.

— J’ai une fille… enfin j’aurai une fille.

Cela la laissa un peu perplexe de s’imaginer mère. Jin rappuya sur lecture, et la vidéo reprit son cours.

— …J’enregistre ce message pour elle. J’espère que 7.3 arrivera à destination et mènera sa mission à bien. Cela va faire plus de soixante ans que l’accident au laboratoire de NS a eu lieu, et j’en ai entendu parler tous les jours. Ma mère et mon oncle Jin n’ont pas arrêté d’en parler depuis que je suis toute petite. Mon oncle a construit son corps et ma mère son système d’exploitation ainsi que ses trois intelligences artificielles. Je ne suis pas aussi géniale qu’eux et je n’ai pas pu les aider à construire Eternity, mais j’ai effectué les tests nécessaires à son bon fonctionnement, sous la supervision de ma mère. Elle et mon oncle ont été obsédés par la volonté de sauver ma tante Haruka toute leur vie. Aujourd’hui après la disparition de maman, je… je ne suis plus en mesure de m’occuper d’Eternity seule. Je vais néanmoins la placer en hibernation et la faire se réveiller tous les ans pour qu’elle se connecte au réseau global et puisse vérifier si les voyages dans le temps sont possibles. Si vous voyez ce message, je vous en prie, aidez-là. Aidez-là à accomplir sa mission. Je n’ai pas connu ma tante Haruka, mais mon oncle et ma mère m’ont tellement parlé d’elle, de sa gentillesse, de sa détermination, de tout ce qu’elle leur a inspiré… J’ai été bercée d’histoires d’elle toute ma vie… Je veux que la petite Eternity réussise. Ce qu’elle doit faire sera probablement considéré comme illégal quand le voyage dans le temps sera possible, mais il faut qu’elle réussisse…

Jin et Akari étaient scotchés à l’écran. Akari avait du mal à respirer par moments, tellement elle était choquée. Jin, lui restait impassible.

— Voilà, je vous le redemande encore une fois, qui que vous soyez, aidez Eternity. J’ai fait tous les tests que j’ai pu, mais il y a toujours un risque qu’elle ne se comporte pas comme prévu… Si jamais elle venait à se rebeller ou aller contre son programme initial, vous pourrez la désactiver définitivement avec la commande « Suicide override ». Il suffit de le dire à haute voix après avoir utilisé mon code d’autorisation que vous trouverez dans la configuration système. Eternity et ma mère en possèdent un également mais je ne les connais pas, et ça m’étonnerait qu’Eternity vous les donne d’elle-même. Bien, je crois que c’est tout… Je vais couper la vidéo ici.

La femme atteignit la caméra pour la couper, mais la vidéo continua tout de même, comme si une autre séquence avait été ajoutée au montage.

— Ah, j’allais oublier. Si par le plus grand des hasards c’est ma mère qui tombe sur cet enregistrement dans le passé… Sache que je t’aime, et que je n’ai vraiment pas fait exprès de supprimer un de tes programmes quand j’avais six ans. Ne sois pas trop dûre avec moi, d’accord ?

La vidéo s’arrêta ici.

De longues secondes passèrent pendant lesquelles Jin et Akari restèrent assis sur leurs sièges, béats.

— Je… On a construit Nanami, tous les deux, questionna Akari. Elle jeta un coup d’oeil à Nanami encore endormie.

— On dirait bien… Mais il y a plus urgent, il faut que j’appelle Haruka avant qu’elle ne redevienne injoignable. Si ça se trouve…

— Quoi ? Qu’est-ce que tu veux dire ?

— Akari… Ta sœur fait des expériences sur la téléportation. J’ai un très mauvais pressentiment maintenant que nous avons vu cette vidéo.

La jeune fille se redressa, un peu paniquée.

— Jin, non ! Tu as du voir autant de films sur le voyage dans le temps que moi ! On ne doit pas en parler à Haruka ! Elle ne doit rien savoir ! On risque probablement très gros si on interfère comme ça avec le cours du temps ! Je ne veux pas prendre ce genre de risques.

Jin se leva.

— Et bien moi si ! Je ne veux pas perdre Haruka ! Je m’en fous de savoir ce qui peut arriver, il est hors de question que je regarde les choses se passer les bras croisés. Elle doit savoir qu’elle est en danger !

Akari se leva également, déterminée.

— Certainement pas ! Ça serait remettre en question notre confiance en Nanami ! On va la construire pour qu’elle sauve Haruka ! C’est en elle qu’on doit avoir confiance…

Cela fit taire Jin, qui détourna le regard. Ses yeux se posèrent sur Nanami encore éteinte à côté d’eux.

— Et si elle échouait ?

— Hein ?

— Réfléchis Akari. Rien ne nous dit que Nanami réussisse. Et si quelque chose ne se passait pas comme prévu ? Et si… oh.

— Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ?

— Les deux personnes qui voulaient récupérer Nanami… Je me doutais de quelque chose mais c’est évident maintenant, ils viennent du futur eux aussi, ils doivent appartenir à une police ou je ne sais quoi, sinon ils n’auraient pas autant tenté de dissimuler leur identité.

— Mais de qui tu parles, enfin, demanda Akari, exaspérée.

Jin se calma et raconta à Akari comment il avait rencontré Ema et Satoshi.

— Oh…

— Il y a quelque chose qui nous échappe. Quelque chose me dit que Nanami n’est pas censée se trouver ici et maintenant.

— Il y a beaucoup d’inconnues, oui…

L’un comme l’autre ne savaient plus quoi dire. Les choses se bousculaient dans leur tête.

— Bon, reprenons. Je pense qu’on devrait d’abord réveiller Nanami. Tu peux la remettre en état de marche ?

— O…Oui, attends.

Akari se rassit à son ordinateur, ferma toutes les fenêtres sauf celle du terminal texte, et commença par désactiver le mode maintenance de Nanami.

— Bon, si je la redémarre et que je débranche l’ordinateur, ça devrait fonctionner.

La jeune informaticienne débrancha délicatement le câble relié à la nuque de Nanami une fois la séquence de rédémarrage initiée. Jin s’assit quant à lui sur une chaise et les deux observèrent l’androïde quelques instants.

Celle-ci ouvrit les yeux et se réveilla presque d’un bond.

— Je…

Elle regarda autour d’elle, les yeux écarquillés lorsqu’elle vit Jin et Akari.

— C’est pas vrai…

Akari et Jin échangèrent un regard.

— Nanami, tu vas bien ?

— Non !

Elle secoua la tête, paniquée.

— Non ça ne va pas ! Qu’est-ce que j’ai fait ? J’ai accès à toutes mes données maintenant ! Je n’étais surtout pas censée vous rencontrer, jamais ! Pourquoi j’ai cherché Haruka dés le départ !? C’est horrible ! Je ne devais pas interférer avec vos vies !

— Nanami… !

Akari se leva pour lui faire face.

— Calme-toi s’il te plaît ! On sait tout, j’ai… j’ai trouvé la liste des lois auxquelles tu obéis, il y en avait une sur le fait qu’Haruka doit survivre…

— Oui mais… mais vous ne devriez pas être au courant, j’ai commis une grosse erreur en vous impliquant ! J’ai… j’ai commis des crimes pour arriver ici.

— Hein, quoi ? Des crimes, intervint Jin.

Nanami tourna la tête vers lui.

— J’ai volé le premier prototype de machine à voyager dans le temps, d’abord en faisant envoyer ma valise de matériel de rechange, puis quand on m’a découverte, j’ai dû endommager du matériel, détruire des recherches, et emprunté un autre prototype moins avancé avant de le détruire. Je voulais éviter qu’on me poursuive…

Elle semblait désolée, presque terrorisée même de raconter ça.

— J’ai gardé cette montre pour éviter qu’elle ne tombe entre de mauvaises mains…

Elle leva alors son poignet.

— C’est censé permettre à quelqu’un de revenir à son époque, mais je ne voulais pas que quelqu’un d’aujourd’hui tombe dessus par hasard, je l’ai donc gardée sur moi.

Nanami baissa de nouveau son bras et détourna le regard.

— Je dois partir. Ne plus revenir à l’école, ne plus vous recontacter. Je suis vraiment désolée ! Oubliez-moi ! Je vais sauver Haruka, mais je dois le faire à ma manière !

Elle voulut se diriger vers la porte, mais Akari tenta de l’en empêcher en lui attrapant le poignet.

— Nanami ! Calme-toi et écoute-nous !

— Non ! Je ne devais pas vous rencontrer ! Laissez-moi !

Akari fronça les sourcils.

— Tu vas m’écouter, oui !?

Elle leva la main sur Nanami pour la gifler afin de la calmer.

— Aaaaaah ! Ça fait maaaal !

Ce ne fut pas Nanami qui hurla de douleur, mais Akari. La joue de l’androïde était en effet plus dure que prévu.

— A…Akari ! Je suis désolée !

Cela eut néamoins l’effet escompté, celui de faire reprendre ses esprits à Nanami. Jin regardait la scène, amusé.

— J…Je vais aller te chercher quelque chose…

— Non non, Nanami, ça ira, reste là, et écoute-nous. S’il te plaît.

Akari se caressa sa main meurtrie.

— Tu as la tête dûre, fit Jin avec le sourire.

— Bon, maintenant Nanami, explique-nous. Que va-t-il arriver à Haruka ? Si tu nous expliques, on pourra peut-être t’aider.

— Je ne pense pas que vous pourrez m’aider… Des fichiers que j’ai, Haruka travaille sur une expérience en ce moment. Cette expérience va en partie réussir, mais elle mourra dans un accident durant celle-ci.

— Quoi ?!

Jin n’en croyait pas ses oreilles.

— Tu sais pourquoi exactement ?

Nanami secoua la tête.

— Je sais juste qu’il y a eu un accident et qu’elle y perd la vie. C’était dans les fichiers que tu as dévérouillé en réparant mon système, Akari.

Cette dernière hocha la tête.

— Comment ton système de fichiers a pu se corrompre ?

— Tu te souviens que j’étais partiellement endommagée en arrivant ici ? J’ai dû emprunter un des premiers prototypes de machine à remonter le temps, et le voyage a été un peu mouvementé. Cela a notamment endommagé une partie de ma structure et de mes données, et détruit mon camouflage optique, ce qui va rendre ma mission beaucoup plus délicate.

— Un camouflage optique, demanda Akari, curieuse.

Jin en avait déjà entendu parler.

— Oui.

Pour prouver ce qu’elle venait de dire, Nanami le mit en marche. Le résultat fut assez surprenant pour Jin et Akari : à la place de l’androïde, des bouts d’elle devinrent invisibles quelques instants, puis réapparaissaient, parfois avec des bouts d’une autre partie de son corps. Cela faisait penser à un bug informatique à l’écran, avec des artefacts graphiques malencontreux.

Elle désactiva de nouveau la fonctionnalité.

— Comme vous le voyez, c’est devenu assez inutile…

— Mais pourquoi es-tu venue chez nous, Nanami ?

— Je suis arrivée ici beaucoup trop tôt. La machine a dû se tromper, mais j’avais prévu d’arriver la veille de l’accident.

— C’est quand ?

— Dans une semaine. Le 16 octobre.

Akari intervint.

— Tu as dit que tu étais arrivée trop tôt. Pourquoi tu es allée chez Jin et Haruka ?

— Je… comme mes fichiers étaient endommagés, j’ai dû suivre d’autres instructions de secours qui se trouvaient dans mon système. L’une d’elles était de trouver Haruka Ayase. Je trouverais de l’aide en la retrouvant. J’étais mal en point alors c’est ce que j’ai décidé de faire.

Akari tourna sur son siège, l’air contente d’elle-même.

— Hum, j’ai une hypothèse là-dessus.

Nanami releva la tête.

— Une hypothèse ?

Elle réajusta ses lunettes.

— Nanami, tu nous a parfois parlé de ton créateur.

— Oui… j’ignore qui c’est. Je ne sais pas trop quoi en penser. Il m’a crée pour cette tâche mais parfois je luie n veux de ne pas m’avoir tout dit, et de ne pas l’avoir rencontré…

Akari ne put s’empêcher de glousser. Jin sentait ce qu’elle allait dire et lui emboîta le pas :

— Nanami, c’est moi et Akari qui t’avons crée.

— Quoi ?

Jin lui sourit, et Akari continua, prenant l’une des mains de Nanami dans la sienne.

— On a trouvé un message vidéo d’une certaine Hikari.

— Hikari…

— Ça te dit quelque chose ?

— Des résidus, ce nom me dit quelque chose mais je ne me souviens plus exactement à qui il fait référence.

— Hikari nous a tout expliqué dans son message. Akari et moi t’aurions crée pour que tu reviennes dans le passé sauver Haruka.

— Oh… mais alors…

— On est un peu comme tes parents, Nanami !

Cela fit rougir Jin, mais il ne le montra pas.

— Vous êtes mes…

Nanami les regardait l’un après l’autre, alors qu’ils éttaient assis en face d’elle.

— Je… Je ne sais pas quoi dire, c’est…

Akari se leva et s’approcha pour prendre Nanami dans ses bras.

— C’est une sensation étrange, mais très plaisante Nanami… de savoir que je suis en partie responsable de toi.

La jeune fille semblait heureuse.

— Akari… Est-ce que je dois t’appeler maman ?

Akari rougit de plus belle.

— N…Non ! Akari suffira, tout simplement !

Jin, lui, restait à l’écart. Ses pensées étaient trop occupées par Haruka.

— Une semaine…

— Hein ?

— On a une semaine pour trouver un moyen de sauver Haruka. Désolé les filles de casser l’ambiance mais je ne peux pas me sortir ça de la tête.

Akari regarda alors Jin, l’air ennuyée. Elle était trop heureuse d’avoir résolu le mystère de Nanami et en avait presqu’oublié le principal : pourquoi elle était ici.

— Je n’ai pas de plan… J’ai prévu de me rendre sur place et d’aviser. Agir avant serait trop dangereux, probablement inutile aussi à cause du principe du déterminisme. Je n’aurai droit qu’à une seule chance, et encore…

Jin se gratta l’arrière de la tête.

— Tu veux dire que la mort de Haruka est inéluctable ? On doit pouvoir changer ça.

Akari le regard alors.

— Jin… si les choses sont faites ainsi, peut-être qu’en effet, la visite de Nanami dans le passé est inutile et qu’au final, les mêmes évènements auront lieu quoi qu’il arrive. Si ça se trouve, on ne peut pas sauver Haruka…

Nanami l’interrompit pour finir sa phrase.

— …mais moi, je veux essayer.

Jin semblait soulagé, et lui sourit.

— Nanami…

— Jin, Akari… Haruka et vous, et le reste de ma classe, vous m’avez donné quelque chose que je ne saurais décrire… Une vie peut-être ? Un endroit où je me sens bien. Et je veux protéger tout ça. Je veux vous protéger. C’est pour ça que je ne veux pas vous impliquer…

— Mais on sait déjà tout Nanami ! On est avec toi pour le coup. Tu n’es pas seule !

— Akari a raison, Nanami. On doit pouvoir t’aider.

— Ça m’étonnerait. Plus personne ne bouge. Cela inclut toi aussi « Nanami ».

La voix d’Ema fit sursauter Akari et Jin. Nanami, elle, restait impassible.

— Je me demandais quand vous alliez vous montrer.

Les deux agents apparurent alors dans un coin de la pièce. Ils tenaient chacun leur arme en main, pointée sur Nanami, mais celle-ci ne semblait pas le moins inquiête.

— Votre camouflage optique fonctionne, lui !

L’androïde croisa ses bras, l’air jalouse.

— Qu’est-ce que vous faites dans ma chambre ?!

— Nous sommes là depuis ce matin, avant ton réveil, confia Satoshi.

Ils portaient tous deux leur costumes noirs.

— Depuis ce matin !? Ça veut dire que…

Akari se mit à rougir lorsqu’elle réalisa que Satoshi l’avait vue en petite tenue tout se temps.

— Non, je lui ai couvert les yeux jusqu’à ce que Jin Ichinose arrive.

Cela ne réassura pas vraiment Akari, qui se déplaça lentement devant Nanami pour la protéger.

— Qu’est-ce que vous voulez, demanda-t-il, voyant bien les deux armes pointés vers la jeune androïde.

Jin fit comme Akari, et se plaça devant elle.

— Poussez-vous, je m’en occupe.

Nanami les écarta doucement, à leur grande surprise.

— Nanami… enfin, Ichika. Tu es en état d’arrestation pour utilisation illégale d’une machine à voyager dans le temps, destruction de matériel…

— Je sais tout ça, interrompit-elle.

Cela fit taire Satoshi, qui continuait néanmoins de la garder en joue.

— Je suis coupable de tout ça. Et je compte bien me rendre une fois tout ceci terminé.

— Tout ceci, demanda Ema.

— Je dois sauver Haruka Ayase, et j’ai un plan pour ça qui n’ira pas à l’encontre de ce pourquoi vous vous battez. Tout du moins, je pense avoir un plan.

Cela attira l’attention d’Ema et Satoshi, qui échangèrent un regard avant de se tourner de nouveau vers nanami.

— Nous t’écoutons.

— Je… ne souhaite pas que Jin et Akari le sachent. Je vous le dirai en privé.

— Nanami, attends, on doit savoir, on doit aider…

Nanami lança un regard vers Jin.

— Non, Jin. C’est trop dangereux, et c’est ma responsabilité. En vous impliquant, j’ai violé de nombreuses lois sur le voyage dans le temps, et je ne sais même pas encore comment je vais pouvoir répondre de mes crimes, mais d’abord…

Elle regarda de nouveau face à elle.

— Je ne demande que deux choses. D’abord que vous épargniez Akari et Jin. Ils en savent trop, mais je sais qu’ils ne feront rien de ce qu’ils savent. Et puis, vous vous êtes montrés, ce qui veut dire que vous n’avez plus rien à leur cacher.

— On pourrait toujours effacer leur mémoire.

Jin prit alors la parole pour se défendre.

— Cela ne servirait à rien. Quoi qu’il arrive nous construirons Nanami dans le futur. Que l’on sache ou non que vous existez, ça ne change rien.

Akari était un peu plus terrifiée que lui et préférait se taire pour le moment.

— Il marque un point, fit remarquer Satoshi.

— D’accord, Nanami. Quelle est ta deuxième demande ?

— Je vous l’ai dit tout à l’heure, je me rendrai, sans résistance après que mon plan ait été mené à bien. Je peux vous garantir qu’il n’ira pas à l’encontre de votre objectif. Je peux même vous dire qu’il vous sera bénéfique.

Il y eut un petit moment de flottement, tandis que Satoshi et Ema échangèrent via la connexion sans fil les reliant. Puis ils baissèrent leurs armes.

— Très bien, Nanami. Nous te croyons, annonça Ema.

— Mais ne va pas t’imaginer qu’on ne te gardera pas à l’oeil jusqu’au 16 octobre. Tu as beau faire preuve de bonne foi jusqu’ici, ce que tu as fait…

— …est illégal, je le sais.

Elle jeta un œil vers Akari et Jin de nouveau.

— Nanami…

— N’aie pas peur Akari, ils ne vous feront pas de mal. Et moi, je sauverai Haruka. C’est pour ça que j’ai été faite après tout !



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