Comment on écrit une histoire comme Eternity ? C’est assez compliqué mais voici grosso modo comment ça s’est fait.
La génèse du projet en lui-même est disponible sur mon blog personnel.
Ce dont on va parler ici c’est plutôt de la méthode.
Réfléchir à ce qu’on veut faire.
La première étape est de savoir ce qu’on va faire, que ça soit une fanfiction ou une fiction classique. Habituellement on part d’une idée de base, même un peu conne, mais ce n’est pas forcément le point de départ de l’histoire, ça peut être aussi la fin. En l’occurence, j’ai souvent une idée de fin en tête pour commencer. C’est un peu comme une vision floue qu’on a, elle commence à s’affiner petit à petit, on commence à mettre des visages plus nets sur les personnages ou ce qu’il y a autour d’eux. Pour Eternity c’était la fin que j’avais en tête.
Si j’ai choisi de m’orienter vers la fiction depuis une dizaine d’années, d’autres pensent bien différement. Personne n’a spécialement raison, n’oubliez pas qu’un écrivain écrit d’abord pour soi-même et pour se faire plaisir !
Définir les personnages principaux.
Il faut ensuite réfléchir à des protagonistes. Quand on fait une fiction, il faut tout inventer. En général on s’aide de fiches qu’on rédige et où on note tous les petits détails. Quand on est pas très doué en dessin comme moi, on écrit ce qu’on appelle une description.
Une description, ça s’écrit comme si on était dans un jeu et qu’on venait de taper au clavier « Regarder nom_du_personnage ». On commence par « Devant vous se tient une jeune femme d’une vingtaine d’années, aux longs cheveux… » puis complètez, ajoutez quelques mots sur son sourire, ses yeux, ce qu’elle porte, ses formes. Ca a l’air idiot dit comme ça mais c’est très important. Votre personnage n’est pas fixe, il va évoluer au fur et à mesure de ce que vous écrivez. Ca ne sert à rien de prévoir trop à l’avance des fiches de personnages hyper détaillées, car au fur et à mesure de votre écriture, vous trouverez des idées, et il ne faut pas qu’elles se heurtent à votre fiche !
Pour les personnages secondaires, ils viendront comme tout le reste, avec le temps, mais vous devez vous donner une base solide, vos personnages principaux, pour débuter.
S’imposer un style et une narration.
Deux écoles s’affrontent ensuite, ceux qui ne jurent que par le récit à la première personne (le narrateur fait partie du récit) ou à la troisième personne (il est omniscient mais n’est pas l’un des personnages.)
Les deux façons d’écrire sont valables en régle générale mais selon ce que vous voudrez faire, il faudra faire un choix. Dans Blind Spot j’ai écrit via les yeux de l’héroïne, il fallait donc un récit à la première personne. Cela donne un cachet au récit car on s’attache beaucoup plus au narrateur et donc à l’histoire qu’il ou elle raconte.
Par contre, un récit à la première personne ne permet pas d’écrire des scènes où le narrateur n’est pas présent ! Ca peut paraître bête dit comme ça, mais on y pense pas forcément. Je m’en suis mordu les doigts pour Blind Spot. Lorsque j’ai commencé Eternity, il était également question d’un récit à la première personne. Sauf que pour ce que je voulais montrer, les scènes que j’avais en tête, il était impossible d’avoir un narrateur à la première personne.
Ce qu’il y a de bien avec l’écriture c’est qu’on peut quand même tout se permettre. Il ne serait pas interdit par exemple d’écrire un chapitre sous le point de vue d’un personnage, puis un autre chapitre avec le point de vue d’un autre : mais à trop vouloir faire de l’expérimentation, on risque également de perdre le lecteur.
Le feedback initial c’est important.
Il est primordial de s’entourer d’amis fidèles ou de curieux à qui faire lire les premières ébauches de son histoire. Pas besoin de s’embêter à tout peaufiner, mais déjà leur expliquer le synopsis, puis leur faire lire un premier chapitre, ou une moitié de chapitre, pour identifier les éventuels problèmes. Ainsi je me suis rendu compte qu’un apartement c’était bien mais qu’une maison c’était mieux, que Jin en narrateur c’était juste pas possible, ou encore que la chronologie des évènements n’était juste pas bonne et qu’on avait besoin de plus de détails sur certains points.
Ainsi, le feedback initial a permis de mieux dessiner le début et surtout de peaufiner un peu les personnages principaux.
Demandez à vos amis, famille, ou simplement aux curieux sur vos réseaux sociaux qui aimeraient prélire vos travaux, il y en a bien quelques uns qui doivent en avoir envie !
L’écriture en elle-même.
Le Google Maps du récit
Il faut avant de se lancer définir les grands évènements du récit. Le début, le milieu, la fin, et surtout noter les idées immédiatement après les avoir pensées ! C’est l’oubli assuré sinon. Avoir ce fichier sur sa tablette, téléphone, ou ordi portable est idéal.
Typiquement, il y a une entrée par chapitre, son placement temporel dans l’histoire quand c’est possible, son nom, et deux listes : une avec les idées générales du chapitre, et l’autre avec une liste d’évènements concrets. Par exemple les idées peuvent être un « il faut une scène de bain! » et pour les évènements, un détail un peu plus fin de ce qu’il va se passer. Par exemple « Présentation à l’école de Nanami. »
Bien faire ses devoirs.
Un bon écrivain a besoin d’une bonne documentation. Heureusement on a Internet aujourd’hui. Même s’il est toujours plus authentique de se déplacer et d’aller voir de quoi il retourne en vrai, il n’est pas rare de trouver beaucoup de photos et de vidéos de lieux qu’on cherche à retranscrire dans un récit, tout du moins à l’ère moderne. Avec un peu d’imagination on arrive même à s’imaginer de quoi ça pouvait avoir l’air dans le passé, ou dans le futur.
Ainsi, on cherchera à savoir quelle ligne de métro notre protagoniste doit prendre, quels magasins se trouvent dans sa rue, combien de temps il lui faut pour aller à la gare… Chaque détail compte. Que cela soit dans un univers moderne, de SF ou de Fantasy, posez-vous les bonnes questions. Les questions les plus connes n’en sont pas moins pertinentes. Par exemple « Comment ils font pour faire caca dans l’espace ? » est une question tout à fait légitime.
Oui, avoir un univers crédible ça prend du temps. Parfois on s’arrête net d’écrire pendant une heure histoire de faire une visite virtuelle de musée parce qu’on a besoin de tel genre de décor et qu’on veut voir comment c’est fait. Ou bien on regarde des matches de baseball car on va en écrire un dans un chapitre, et il est impératif de bien comprendre toutes les règles.
Pour toutes ces questions il n’y a pas de miracle : il faut chercher, et ne pas se limiter à Wikipedia même si c’est une bonne source d’informations pour commencer à chercher !
Version alpha
On commence avec un premier jet. En général j’écris un chapitre d’une traîte sans regarder en arrière ou si peu. Ca permet surtout de laisser libre cours à sa créativité et de ne pas se poser trop de questions. Il est assez rare dans un chapitre que j’aie besoin de faire des modifications violentes sur le déroulement de celui-ci.
Une fois le premier jet terminé, je le relis une fois, j’y ajoute des petites choses ici ou là, mais en général une fois terminé je n’ai qu’une envie : l’envoyer aux prélecteurs. Ces derniers ont pour mission de juger le fond et uniquement le fond. M’indiquer si j’ai écrit de la merde ou si il y a une incohérence majeure ou quelque chose qui ne va pas avec un dialogue. Pour tout ce qui est orthographe, syntaxe et autres, ça se discute après. Je dépose le fichier sur Dropbox et je donne le lien par mail, c’est l’idéal quand on veut pouvoir modifier le fichier sans avoir à le renvoyer.
Version beta
Une fois que j’ai tous les retours, je fais des modifications plus en profondeur sur le chapitre. J’y rajoute des scènes parfois, j’allonge des dialogues, je détaille certains points… Une fois que c’est fait je mets la version beta dans un Google Doc afin de pouvoir le modifier en temps réel avec de rares élus chargés de la relecture en profondeur. On se prend plusieurs soirées, en général trois ou quatre, pour relire le chapitre tous ensemble, en même temps, à commenter les deux tiers du récit. Mumble ou Discord, un Google Doc, et on est partis.
Sortie
Bizarrement la sortie n’est pas le moment le plus difficile. C’est certes le plus excitant car j’attends avec impatience les retours, mais en général j’ai juste à poster le chapitre sur le site, en parler sur Twitter, Facebook, et… c’est tout. A peu près. J’essaye ed poster sur certains forums que je fréquente, mais je en suis pas sûr du nombre de retours que cela donne, comparativement à Twitter, par exemple.
Conclusion
Ecrire, ce n’est pas si compliqué. Bien écrire demande de lire beaucoup. D’identifier ce qu’on aime et ce qu’on aime pas dans un récit. Avec ça, un bloc-notes et un traitement de texte basique, on arrive à pondre quelque chose. Après ça demande du travail de peaufiner son texte, de réécrire, d’imaginer des dialogues, mais le plus important, c’est de s’amuser en le faisant, sinon ça ne sert à rien d’écrire si on se force !